Dans La Revue des deux mondes, 19 octobre 2024
Si l’on voulait démolir ce livre de Patrice Jean, il faudrait non pas dire qu’il est scandaleux, infâme, crypto-fasciste, mais qu’il est affligeant de banalité, qu’il ne fait qu’aligner les poncifs, défoncer les portes ouvertes, reprendre de la manière la plus normative qui soit le thème archi-convenu, « flaubérien », de la fameuse « haine de la littérature », jouant à se faire peur comme tous les écrivains aiment à le faire, se persuadant qu’il y a du Fahrenheit 451 à chaque coin de rue – en plus de ne pas être vraiment sérieux.
« Car non, désolé, Patrice Jean, on n’est pas “de droite“ parce qu’on lit Baudelaire et “de gauche“ parce qu’on lit Sartre, on a beau jeu de critiquer le tout-politique alors qu’on fait soi-même dans le tout-littéraire – et d’ailleurs, on peut avoir une toute autre idée de la littérature, aussi légitime que la vôtre, sinon plus, qui soit sociale, progressiste, inclusive, qui se soucie des migrants et des trans, qui lutte contre les discriminations et qui combat, comme Molière le faisait en son temps, les petits bourgeois droitiers de votre espèce. Vous vous prenez pour Don Quichotte alors que vous n’êtes qu’un Argan, un Alceste et même un Arnolphe qui ne veut garder son Agnès de littérature que pour lui tout seul. Si Kafka était au candy-shop avec Faïza Guène (1), il se retrouve avec vous dans cette fameuse tour d’ivoire qui vous est si chère, sinon son propre château à lui dont il ne pourra plus jamais sortir. Alors que la vraie littérature, celle qui compte aujourd’hui, doit agir dans le monde et apporter du meilleur. »
1 – Faïza Guène, autrice de Kiffe Kiffe demain, tristement célèbre pour avoir foulé aux pieds Kafka dans l’émission La Grande librairie du 31 mai 2023, présentée par Augustin Trapenard, déclarant à propos de La Métamorphose : « Je l’ai reçu comme un texte, mais désespérant ! Alors je sais que je suis peut-être un peu candy-shop avec mes histoires du Petit Prince mais je préfère ça, à 16 ans, à La Métamorphose de Kafka ». Sur cette ténébreuse affaire, voir mon article ici
Farhenheit 451, François Truffaut (1966)