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homme providentiel

  • Obamarre, par Patrick Besson

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    S'il n'y avait pas Patrick Besson :

     

    Les Etats-Unis ont un président noir, ce qui semble faire oublier au monde qu'il est démocrate. De ces démocrates qui ont attaqué le Mexique et imposé la Prohibition sous Wilson, envoyé les premières bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki au temps de Truman, où ils ont également agressé la Corée et favorisé la « chasse aux sorcières » du sénateur McCarthy, qui ont envahi puis boycotté Cuba sous Kennedy, commencé la guerre du Vietnam sous Johnson, où ils sont aussi intervenus militairement en République dominicaine, qui ont bombardé Belgrade et Bagdad sous Clinton, présidence au cours de laquelle ils ont par surcroît laissé massacrer un million de Tutsi au Rwanda (avril-juin 1994). Que je sache, les démocrates n'ont, pas plus que les républicains, réduit les inégalités sociales aux Etats-Unis. Ni moralisé la vie politique. On est tellement obnubilé par la race et la couleur des gens qu'on se dit que puisque Obama est noir, alors qu'il est tout aussi blanc, il sera un démocrate différent de ceux qui l'ont précédé à la Maison-Blanche. Son sang kényan ferait de lui un président démocrate supérieur, avec une vision du monde plus vaste, une organisation mentale plus large. Des commentateurs progressistes aux chroniqueurs réactionnaires, en Amérique du Nord comme partout ailleurs dans le monde, c'est le même emballement radieux. On se pâme, se prosterne. On ne trouve plus les mots d'adoration. On devrait écrire ces éloges en vers puisqu'ils riment. On voit en Obama un mélange de Martin Luther King et de Descartes, avec un zeste de l'abbé Pierre. Un dalaï-lama qui aurait réussi dans la Chine. Un Gandhi plus athlétique et mieux habillé. C'est Nelson Mandela rajeuni de cinquante ans, avec le dernier ordinateur de Bill Gates et un nouveau bon coeur du professeur sud-africain Barnard. Un Toussaint Louverture Net et Internet.

    L'empressement trouble, des peuples comme des élites, à se jeter aux pieds d'un homme providentiel, qu'il ait fait don de sa personne à la France comme le maréchal Pétain ou nous ait compris comme le général de Gaulle. Ce besoin aveugle de croire à quelqu'un. C'est presque émouvant. On devrait pourtant finir par comprendre, avec l'expérience de la déception, que les hommes politiques sont des hommes, quelle que soit leur couleur. Et des politiques. Pas des dieux : il est donc inapproprié de se mettre à genoux devant eux, y compris avec un stylo, qu'il soit de droite ou de gauche.

    De l'avis général, Barack Obama réglerait sous peu les problèmes des Etats-Unis puis, après un week-end à Camp David avec Michelle et les filles, ceux de toute la planète au sous-développement durable. J'ai même lu, dans un grand quotidien du matin, sous la plume allègre d'un académicien français octogénaire, que son élection à la présidence des Etats-Unis venait de supprimer toute discrimination raciale outre-Atlantique. Quai Conti, cet optimisme des petits hommes en vert, couleur de l'espérance de vie. Il suffit pourtant de regarder la nouvelle carte électorale des Etats-Unis pour voir que l'énorme majorité des Etats du Sud ont voté McCain. Au point qu'on aurait une vue aérienne de la guerre de Sécession (1861-1865). Le retour de Scarlett O'Hara en surcharge pondérale après abus de Big Mac et de not-diet Coke ? Rien ne nous dit qu'en cas d'échec d'Obama, hélas prévisible, on ne mettra pas en cause sa couleur dans ce pays où il n'y aurait plus, depuis le 4 novembre 2008, de racisme.

     

     

    13/11/2008 - Le Point - 562 mots - Par Patrick Besson

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