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  • Stanley Kubrick : la terreur et le désir - I

     

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    virginia leith,fear and desire,leelee sobieski,eyes wide shut

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    (Je commence aujourd'hui à mettre en ligne mon trop long texte sur Kubrick, commis une première fois sur le Ring le 23 septembre 2011, mais cette fois, après que des amis me l'aient mille fois suggéré, en plusieurs parties, afin d'en faciliter la lecture.)


    2011 aura été l’année Céline, Cioran, et Stanley Kubrick. Une expo-événement  à la Cinémathèque qui s’est terminée le 31 juillet. Une rétrospective nationale. Fear and desire, son premier film toujours interdit, visible pourtant sur Youtube (et prévu pour cette raison en DVD). La réédition des Bibles de Ciment et de Chion. A l’instar de Baudelaire qui disait que c’était grâce à Joseph de Maistre qu’il apprit à raisonner, nous pourrions dire que c’est grâce au  metteur en scène de 2001 et d’Orange mécanique que nous avons appris à sentir et à penser. Et toujours le cœur qui bat quand nous évoquons son nom, ses films, son univers. Qui nous aura marqué plus que lui ?


    Un camarade ringuien le faisait remarquer : pas simple d’aller voir l’expo Kubrick à la Cinémathèque Française. Pour nous qui tenions depuis nos quinze ans l’auteur de 2001 : l’odyssée de l’espace et d’Orange mécanique comme Dieu le Père en cinéma ; pour nous pour qui les termes « redrum », « steadicam », « Ludovico », « Hartman », « Baleine », « Daisy », « Orion », « monolithe »,  « Strangelove », « Overlook », « nadsat », « Korova milk bar », « vellocet », « Ludwig van », « Fidelio », « Ligeti », « Bullingdon », « Mickey mouse », « monde merdique » et « Fuck » sonnaient comme autant de codes secrets à la fois terrifiants et délicieux, véritables sésames de notre premier univers esthétique et intellectuel ; pour nous qui avions « compris » 2001, ce film qui laissait sur la touche nos parents et condisciples, les premiers ne jurant que par Rio Bravo, les seconds que par Le grand bleu ;  pour nous qui avions découvert Orange mécanique avec notre alexienne mère et que notre Luduvico de père nous interdit de revoir jusqu’à dix-huit ans et fit qu’il devint à nos yeux écarquillés le film absolu de notre vie ; pour nous, théologiens autoproclamés du monolithe et du labyrinthe, du cerveau et de l’œil, de la grimace et du masque ; pour nous qui connaissions par cœur autant ses films que ses commentateurs et pour qui le livre originel et définitif, pour ne pas dire divin, de Michel Ciment, fut notre Ancien Testament et celui de Michel Chion, précisément plus « humain », notre Nouveau Testament ; pour nous qui vouions aux enfers du philistinisme honteux et de l’insensibilité crasse tout contempteur malheureux de son œuvre ; pour nous qui faisions de tout bémol à l’égard de celle-ci une affaire personnelle, étant prêts à se battre en duel, comme dans Barry Lyndon, avec celui ou celle (o Pauline Kael ! Comme nous avons souvent rêvé d’en faire notre femme aux chats !) qui osait ne pas admirer Stanley comme il le fallait ; pour nous qui aurions exagéré le « fascisme » kubrickien rien que pour énerver la gaucho-cinéphilie ; pour nous, enfin, qui n’attendrons plus jamais aucun film comme nous avons attendu Eyes wide shut, son œuvre la plus complexe et la plus incomprise depuis 2001, et le seul film du maître dont nous aurons été le contemporain - qu’aurions-nous été foutre dans une exposition bon marché, forcément pédagogique, donc inutile à notre connaissance, dangereusement fétichiste, donc fatale à notre vanité, et finalement mortifiante pour notre supposée singularité ?Car il faut bien le reconnaître : nous ne sommes plus les seuls à nous croire kubrickologue en chef. En vérité, tout le monde l’est, aujourd’hui, spécialiste es Stanley, et peut-être de manière plus efficiente que nous. Et le jour où nous y sommes allés (car nous y sommes quand même allés, et deux fois encore, quadragénaire prépubère que nous sommes !), elle était perceptible cette ambiance happy few kubrickophile, mais happy few trop nombreux, happy few trop encombrants, happy few trop comme nous, c’est ça qui était vexant. Tous ces croyants au monolithe, dont nous étions, qui ne disaient rien, mais dont on sentait qu’ils auraient voulu dire « je suis Stanley Kubrick » comme les esclaves dans Spartacus se lèvent pour protéger leur chef en clamant « je suis Spartacus ». Tous ces prétendants à l’épistémologie stanleynienne, quelle image contrariante ils nous renvoyaient ! Certains ne pouvant s’empêcher, devant tel ou tel extrait, d’aller de leur petit rire d’initiés, comme ce type devant le fameux plan de l’ouverture de Shining où l’on voit l’ombre de l’hélicoptère (« en fait, il l’a fait exprès », lui avons-nous entendu dire - alors que non, tout dépend de la taille de l’écran de projection, aurions-nous pu lui répondre), ou ce petit chauve à lunettes devant la reproduction des toilettes « gravity on air » de 2001 avec un mode d’emploi bien trop long à lire pour ceux qui auraient une envie pressante (« un gag super drôle, tu comprends ? »).  A moins que l’on surprenne une bourde dans la bouche de ce brave père de famille expliquant à son garçonnet qu’ « à la place de Napoléon qu’il n’a pas pu faire, il a fait Spartacus », et qu’on se retienne de lui faire la leçon : « Ho, vieux ! Spartacus est un film de 1960, et d’ailleurs un projet de Kirk Douglas, commencé par Anthony Mann, alors que le scénario de Napoléon a été écrit après 2001, réalisé lui en 68, alors tu ne peux pas dire à ton gosse que Sparta a remplacé Napo, tu piges, l’apprenti cinéphile ? » Ca nous rend méchant, Kubrick. « Et toi, là-bas, le crétin qui viens de dire que A.I (Intelligence artificielle), l’autre grand projet inabouti de Kubrick, et réalisé finalement par Steven Spielberg, aurait été tellement mieux si Stanley s’en était occupé…. Ca, c’est ce qui se disait à sa sortie en 2001, mais aujourd’hui, on a complètement réhabilité ce film qui est un chef-d’œuvre absolu, « enfant » monstrueux mais génial des deux metteurs en scène, alors, tu révises ton jugement de goût, le geek, ok ? » Quelle misère ! On se croyait Grand Prêtre de l’œuvre, on se retrouve Femme savante de celle-ci. Tous fans de Stan, et tous tentés de dire, comme Philaminte : «  mais en comprend-on bien, comme moi, la finesse ? »

    Allons, calmons-nous. Respirons. Et chantons à notre tour notre version de Singing in the rain.

    A SUIVRE

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