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  • Trivelin et Sylvia

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    [D'octobre 98 à septembre 2000, j'ai écrit dix lettres à Amélie Nothomb, toutes plus hallucinantes, inquiétantes, drôlatiques, sinon carrément grotesques, les unes que les autres. Encore aujourd'hui, je me demande comment j'ai pu les envoyer car dans le trip joli coeur hystérique imbécile maso insultant ridiculissime, je ne crois pas qu'on puisse faire mieux. Celle-ci ne m'en tint visiblement pas rigueur, au contraire s'en amusa, me répondit même de temps en temps, et me reçut toujours, quand j'allais à sa rencontre au Salon du Livre ou dans des librairies parisiennes, avec ce mélange d'attention délicate et de professionnalisme débonnaire que chacun de ses lecteurs lui reconnaît. Sans oublier cette mémoire phénoménale, attestée par nombre d'entre nous, grâce à laquelle elle vous rappelle un détail que vous lui avez dit ou écrit des mois, sinon des années avant. Il est vrai qu'elle bichonne ses lecteurs avec une sollicitude qui ne peut que la faire adorer. J'appris même un jour par une amie commune qu'elle avait encore dans son sac une lettre que je  le lui avais envoyé six mois avant ! (Ce n'est pas celle que j'ai choisi ici). Comment voulez-vous ne pas passer avec elle par un stade d'idolâtrie coupable ? Si écrire signfie aussi exciter, alors Amélie Nothomb, malgré tous les défauts patents qu'on pourra toujours trouver à ses livres, apparaît comme le plus grand excitant de la littérature actuelle. Sorcière, succube, chauve-souris ou araignée, elle est celle dont les fantasmes vous persuadent qu'ils sont aussi les vôtres - aussi est-ce incompréhensible qu'elle n'ait pas accroché à EWS comme vous allez le voir. Dans la série "C'est dans le pire que je suis le meilleur", série sacrificielle s'il en est, voici donc la septième missive que j'envoyais à l'auteure des Combustibles.]

     

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    Trivelin : - Mais, Madame, écoutez-moi.

    Sylvia : - Vous m’ennuyez.

    Marivaux, La Double Inconstance

    Paris, le cinq avril 2000

    Amélie Nothomb,

    C’est terrible, je commence à préférer vos personnages à vous. Vous vous direz « tant mieux, ouf, enfin ! Comme ça il ne m’enquiquinera plus avec ses missives de je-m’as-tu-vu orgiaque ni avec sa fraise qu’il me ramène pitoyable tous les six mois partout où je vais et depuis qu’il a découvert mon site en plus il ne se sent plus et c’est ma faute aussi si je ne lui disais pas « continuez » à chaque fois car ce gars-là il ne comprend pas très bien le second degré il continue et d’ailleurs voilà sa dernière lettre où il me dit qu’il préfère mes personnages à moi quelle idée et cette manie fatigante aussi de me faire parler à travers lui-même ok j’ai compris vieux la lettre t’as qu’à te l’envoyer à toi-même ça ira plus vite ».

    Non, Amélie. Cette lettre, je vous l’enverrais, je vous l’envoie. Elle est partie, elle ne s’arrêtera plus, et ce sera la pire. Finies les politesses de circonstance ! Aux chiottes le respect que je vous dois ! Après ce que vous avez osé me dire dans un certain magazine, car à qui vous adressiez-vous sinon à moi ? je vous déteste tant qu’il faut que je me lâche ! Que je vous vomisse de toutes mes tripes d’amant virtuel blessé ma haine et mon ressentiment ! Que je vous chie à la gueule toute l’attention effervescente que je vous porte depuis un an et demie et qui n’a cessé de me bouffer et de me faire bouffer encore plus que d’habitude, car je suis boulimique voyez-vous ? – je bouffe, je bouffe, c’est effrayant comme je bouffe, et pourquoi je bouffe ? Pour me venger de ma mère pardi et maintenant de vous !…Boulimique ! quelle honte pour un mec ! J’aurais pu être anorexique ou alcoolique, il y a des destructions qui sont belles, qui valent le coup : la beauté de celle qui ne se nourrit plus, qui flirte avec la mort, qui tente de ne devenir qu’une âme… La sombre grandeur, malcolm lowrienne, de l’éthylique en quête de l’ivresse absolue et dionysiaque ! En voilà des expériences limites, des « trucs » abyssaux que moi aussi j’aurais voulu vivre ! Mais non ! Il a fallu que je sois boulimique - la maladie des connards, la pathologie des nuls ! Car, la boulimie, on a beau dire, c’est quand même une souffrance de crétin, c’est laid, c’est pas beau, ça vous désigne tout de suite comme le gros flemmard paresseux infantile qui se bourre de pâtes avec une, deux ou trois mottes de beurre salé, quatre kilos de gruyère râpé et des dizaines de gousses d’ail que j’avale crues à me faire péter le palais jusqu’aux tympans ! « Difficile de faire une déclaration d’amour quand on pue » disait Epiphane, c’est vrai putain ! Le boulimique, c’est le gros nullard qui reste affalé dans son canapé dégueulasse, à se branler toute la journée comme une larve devant la télé, en se plaignant que « sa carrière fulgurante » à Canal + a du mal à démarrer. Et en plus qui s’accroche à la vie ! Car, au contraire de l’anorexique, il veut vivre le bougre ! On y tient odieusement à sa vie quand on est boulimique ! La preuve, on n’arrête pas de le remplir son corps, de le gaver, de le gonfler, de le charger de gras et de friture, d’en faire le plus grand, le plus gros, le plus immonde, de devenir une montagne de graisse, une usine à merde pour bien montrer qu’on est là, qu’on existe et qu’on veut de l’amouuuuur ! La boulimie, c’ est la plus exécrable pulsion de vie qui soit ! Même nos tentatives de suicide sont du bidon, une manière grotesque de faire chier tout le monde ! Un besoin abject de « tendresse » ! Car si on n’aime personne (les gros sont méchants bien sûr, y a que les psys dans les émissions télés qui disent le contraire) on exige d’être aimé en revanche ! Comme ça ! Gratuitement ! Et comme on sait que les seuls êtres que l’on aime gratuitement sont les bébés, alors on fait tout pour en redevenir un ! Le stade sadique anal en marche ! les couches culottes, le talc, le petit rot après le biberon, voilà le projet mongoloïde du boulimique ! « doux pour les mamans, doux pour les bébés » Areuh areuh ! Ah il est chouette le vrai Montalte !

    Cette interview calamiteuse de « chez calamiteuse », puisqu’il faut y venir, dans Le nouveau cinéma de décembre dernier. A propos de l’adaptation de vos livres au cinéma ou au théâtre, vous avez dit, avec vos métaphores maternelles qui n’appartiennent qu’à vous et qui me font évidemment fondre, moi, le régressif Cadum, que, tenant à ne pas être une «belle-mère chiante », vous accepteriez que vos enfants –vos livres- épousent n’importe quel metteur en scène, sauf, «bien sûr un facho ».

    ARDENAMUCK ! ! ! SANTA MARIA DELLA CONCEPTIONE ! ! ! ! T’HO ! ! ! SAPERLIPOPETTE ! ! ! FOUTRE CIEL ! ! !  mais ça va pas non ? Vous êtes consternante Amélie ! C’est ça votre nouveau « jingle » ? Après les fruits pourris, le No japonais… « La vigilance citoyenne » ? C’est ça, la mère de Prétextat, du Professeur, et d’Epiphane ? Cette harpie qui ne sort désormais plus sans son drapeau « anti facho » - ce papier-cul mille fois usagé par les intellectuels français et avec lequel se torchent jusqu’à l’os les Despentes, Darrieussecqk, et Deanincxkxqck ? Je n’en croyais pas mes yeux ! J’aurais voulu les crever, faire mon Œdipe, ou mon Michel Strogoff ! Mais au lieu de ça, au lieu d’aller au bout de ses grandes mutilations rédemptrices, j’ai racheté des pâtes, du beurre, de l’ail, une caisse de Kro et j’ai pris deux kilos devant Naguy !

    Je vous en veux Amélie, et je vous en veux de vous en vouloir ! Moi qui vous plaçais entre les grandes parmi les grandes, entre Brunnehilde et Léni Riefensthal, moi qui croyais dur comme fer que votre salon ressemblait à celui des Damnés viscontiens, moi qui pensais que Portier de nuit était pour vous le summum de la volupté (pour laquelle « vous êtes si douée »), moi qui mettais tous mes espoirs de Surhomme contrarié en vous, moi qui sors d’une famille pied-noir, jouissant de mille préjugés, me prenant pour votre petit frère de colonie franco-belge, moi dont les grands-parents ont peut-être connu les vôtres –ils avaient les mêmes valeurs et les mêmes esclaves, vous les niaqué, moi les bougnoules- mais moi qui suis mal bâti, si contrefait que les chiens aboient quand je m’arrête près d’eux, moi qui n’ai d’autre plaisir, pour passer les heures, que d’épier mon ombre au soleil et de décrire ma propre difformité, j’avais résolu d’être un scélérat, et bien je croyais que, vous aussi, vous aviez résolu d’être une scélérate – nous nous serions compris, consolés, aimés, fouettés, scarifiés, talqués… Et voilà que vous pétitionnez contre les fachos ! Comme une chanteuse de gauche ! Je n’ai jamais vu d’un très bon œil cette liaison avec Mylène Farmer…Et maintenant je ne sais plus quoi penser. Si ça se trouve, dans six mois, vous irez faire des discours à SOS Racisme (sans « s »), dans sept vous serez déclarée présidente d’honneur du Réseau Voltaire… Alors que vous auriez eu tellement votre place au sein de l’Association des Fils et Filles de Criminels de Guerre, Assoc. gérée par Jalons évidemment.

    Jalons ! ! ! Qu’ai-je fait de vous en parler ? Alors ça c’était la boulette ! Je suis crucifié à vie là ! Vous devez me prendre pour un dangereux blond-brun qui prépare la révolution de l’Ordre Moral  et qu’en a après la décadence pédérasto-socialiste et le complot bruxello-maçonnique ! C’est un numéro de Charlie-Hebdo que j’aurais dû vous envoyer, mais pas Jalons ! Pourquoi pas une invitation à un pot d'Alain de Benoit non plus ? Ah je ne m’en remets pas ! Et je vais encore acheter des pâtes !

    Comprenez-moi, Amélie ! Je vous prenais pour une infréquentable ! Une Maurice Sachs en jupon ! Une Geneviève Dormann plus sexy ! C’est que vous aviez tout pour être une néo-maurrassienne crypto intégriste, au moins une sévère réac ! De braves aïeux, un dédain souverain, un visage de Madone, un beau chapeau noir, des goûts dégénérés, un art unique de porter les mitaines et Joseph de Maistre comme maître à penser ! Et bien non, je me suis trompé ! Malheur à moi !

    Dès lors j’envisage avec amertume ce que vous êtes : une petite rigolote aux petites idées de son temps, une anti-nietzschéenne compte-sponvillienne, conformiste, féministe, démocrate, socialiste, Vivien Forresterisée à gogo, athée, végétarienne, écolo, « grande conscience », dame patronnesse –le Professeur des Combustibles avait raison : Marina est devenue une matrone humanitaire, une grosse bourgeoise aux principes Télérama bien établis. Et tout à l’avenant : vous devez être pour le Pacs, l’adoption d’enfants par les pédés, le préservatif, le droit de vote pour les femmes, le droit des plantes à disposer d’elles-mêmes, monseigneur Gaillot, Salman Rusdhie (alors qu’il est tellement plus fun d’être du côté des allatoyas) et même les pin’s humanitaires que quand on en met un sur sa veste, on fait avancer l’humanité et les petits enfants qui meurent de faim.

    Même vos copines craignent ! Qu’est-ce que c’était que cette fille avec son ridicule ruban rouge à côté de vous au « Divan » ? Est-ce que j’en porte moi des pin’s ? Ca m’avait encore fichu un coup ça ! Zut Amélie quoi ? Vous tenez tant que ça à ce que je devienne obèse ?

    « On ne peut pas plaire à tout le monde » dites-vous ? Mais c’est justement plaire à tout le monde, à ce tout le monde auquel Maurice Clavel n’avait justement rien à dire, que de se fourvoyer dans ce genre de déclaration démago-consensuelle ! Mais vos fils vous renieraient Amélie ! Prétexat vous bafferait pour ce que vous avez osé dire !! et Emile, le bon Emile vous mettrait au piquet ! Dire que c’est vous qui écriviez dans Les Catilinaires que « les étudiants [détestent] l’intelligence » ! ! En l’occurrence, c’est vous l’étudiante, la petite dinde sorbonnarde de dix-huitième zone qui ne mérite que le bonnet d’âne et les lignes à copier : « je ne ferai plus de déclarations humanistes démago-consensuelles sans réfléchir dans ma tête et sans en parler d’abord à mes amis miliciens » ! Vous êtes pire que Sophie Marceau au festival de Cannes avec ses petits enfants malades ! Ras-le-bol des bosniaques SDF et des sidéens sans télé ! Salauds de pauvres ! Enfoirés d’exclus ! Quand on est un exclu d’abord, on s’excuse ! Quand on souffre on demande pardon, c’est le beuaba ! Et quand on a écrit  Hygiène de l’assassin, on a le devoir de prétextatiser un peu plus ! Où irez-vous si vous perdez votre part maudite ? Et que deviendrais-je, moi, si vous n’êtes plus du côté obscur de la force ? Oh ma Dark Vadora, ressaisissez-vous !

    Bien entendu, mes éructations ne sont là que pour empêcher mes pleurs ! Au fond, j’essaye de tout mon cœur de vous exempter de cette malheureuse affaire. Je me dis que vous n’avez déclaré ça que par cynisme, parce que ce journal est une succursale du Nouvel Obs, qu’il faut bien vivre et que vous avez choisi sans état d’âme de profiter du système à l’instar du comte Mosca qui n’est pas votre cousin. Si c’était le cas, alors je me précipiterais à vos pieds et je vous supplierais de me pardonner, vous tendant les verges (moi qui vous vois tellement plus de ce côté du manche – oh quelle méchante Saturnale m’avez-vous obligé à jouer tout à l’heure) et je vous gémirais des « Pardon ! Pardon ! Pardon d’avoir douté de vous et de votre mauvais esprit ! »

    Hélas ! Le cynisme n’a pas l’air d’être votre fort et je redoute que votre déclaration voltairienne soit vraiment un imbécile coup de cœur sincère et senti, une marque inique de générosité bidon, un symptôme malheureux d’une intelligence « citoyenne ». Vous êtes peut-être une vraie gentille dans le fond, et dans ce cas je ne m’en consolerais jamais. Redonnez moi donc les verges que je m’en serve sans pitié... sur moi-même.

    Désormais, vous avez la parlote (les media vous ont eu) et il a fallu que vous vous continuiez l’interview et sortiez une horreur pire que la première. Là, je suis vraiment fâché. Là, c’est pour moi le coup de grâce. Bon, l’anti-fascisme, après tout, c’est de votre âge. On peut à la limite pardonner une erreur idéologique, mais une faute esthétique ne passe pas. Non Amélie, rien ne sera plus comme avant après… ça.

    Ainsi, mademoiselle n’a pas aimé Eyes wide shut.

    Lorsqu’un ami à moi m’a fait parvenir cet article, je n’y ai pas cru tout de suite. Ce n’était pas possible. Au début je l’ai insulté, cet ami : « salaud ! tu m’en veux parce que j’ai une correspondance enflammée avec elle et qu’elle m’a déjà envoyé une quinzaine de réponses longues et attentives après mes six lettres alors qu’à toi elle ne t’a envoyé qu’une photo de gâteau d’anniversaire même pas signée ! » ai-je fulminé avant de lui raccrocher au nez et de jeter le téléphone dans mon vide-ordures. Voilà comment je traite les amis qui disent du mal de vous. Alors il m’a envoyé une photocopie de cet article. Et j’ai dû me rendre à l’atroce réalité, cette réalité qui ne m’a jamais beaucoup aimé : vous n’aviez pas apprécié le dernier opus de SK. Pour vous « c’est trop triste » qu’un génie comme lui ait terminé « un parcours sans faute » sur un film pareil, « ennuyeux et parfois gâteux ». Amélie, nom de Dieu… Que… que dites-vous la ? Je…Bagagagbaeugagaba… Je… Ecoutez… Vous êtes une espèce de… Non … Beeggggehhhbegabada… Je…Agggaggabadgabeubadabada…. Pas aimer EWS… Sale petite…. Badagadaba...C’est moi que glbebhbagagabeugabadabb vous trouvez bbhbhaereubbbggagaga gâteux et et ennuyeux ? … Non je vous en prie… Je… aga…areuh….WHAT’S THE FUCK AMELIE ?

    Salope ! Conasse ! Je me lâche ! je l’ai promis depuis le début ! pouffe de merde ! vas te faire mettre ! je t’aime p’us ! ! ! p’us du tout t’as compris ! ! ! Je te déteste ! Tu sais ce que j’leur dis moi aux belges ? putain va t’en ! je suis venu te dire que tu t’en vas ! connasse ! connasse ! CONNASSE EN MAJUSCULES ! !! connnnasse avec quatre « n » ! ! connasssssse avec six « s » ! ! !Tu m’aimes pas ! Tu m’as jamais aimé ! Tu t’es foutu de ma gueule ! ! Tu as brisé toutes mes croyances ! !..aaaaaaaaaah me passe pas ce mouchoir ! j’en veux pas de tes mouchoirs ! j’en veux pas de ta pitié ! ! ! laisse-moi ma morve, voleuse ! ! ! laisse-moi ! ! ! je veux pleurer tranquillement dans les chiottes ! ! ! me regarde pas bouahhhhh ! ! ! ! ! Comment oses-tu ? Comment oses-tu ? Et tu dis que tu es de tout cœur avec moi ! Tu viens m’humilier même ici salope salope ! ghbbbbgbbegbbbeedddeerg ! ! Tu as vu dans quel état je me suis mis ? ! ! ! méchante, méchante Amélie ! ! ! ! Ca te fait jouir hein ? C’est pour ça que tu me dis « continuez ! » à chaque fois ! Je suis le con de ton dîner de cons c’est ça ? Le con qui « continue » ? Le con dont tu fais des gorges chaudes avec tes amis ? tu montres mes lettres à tout le monde hein c’est ça ? Tu te torches avec ? Brosse à chiottes ça te va comme un gant finalement ! Vas-t’en ! Vas- t’en ! Je te dis de t’en aller salope ! ! ! !! bhggghbhghbbb…NON ! NE PARS PAS !

    Ecoute non je ne voulais pas dire ça, je ne voulais pas de la « Lucinda Handwriting » ! Pardonne-moi, je ne sais plus ce que je dis ! Je ne le ferai plus, je te le jure ! En vérité j’ai besoin de toi ! Je veux bien ton mouchoir ! Je veux bien ton bras et ton sourire ! Tant pis si tu te fous de ma gueule du moment que tu me souris ! Protège-moi ! Aime-moi ! Je ferais tout ce que tu me diras ! Je dirais tout ce que tu me feras ! ! ! Ne m’abandonne pas ! ! ! Ne me laisse pas comme ça ! ! ! Je ne peux rien faire sans toi ! ! Depuis un an et demie je vis grâce ta lumière ! Tes photos ensoleillent mon studio ! Mon cœur bat et ta main me brûle ! Je t’aime ! Je t’adore ! Je n’ose même plus aller te voir dans les librairies tant j’ai peur d’être ridicule ! La dernière fois au « Divan » j’ai failli m’évanouir ! ! ! Je me suis haï, haï, haï, si tu savais ! Tu m’avais souri en plus, tu étais tout avenante, tu m’invitais à en dire un peu plus sur moi, à « discuter le coup » selon ta gentillesse légendaire! Et j’ai été odieux ! Froid ! Mufle ! A peine ne t’ai-je pas arraché des mains mon exemplaire de Stupeur que tu venais de signer, spartiate minable que je suis !! Et je suis parti tout de suite en tirant une de ces tronches comme si tu m’avais dit « monsieur Pierre vous êtes bien gentil mais je ne tiens plus à ce que vous rameniez votre fraise tous les six mois. Je n’apprécie ni vos façons, ni vos lunettes et je ne veux rien avoir à faire avec vous. Continuez à vous masturber sans moi s’il vous plaît.» et j’ai tourné comme un débile dans la librairie faisant semblant de « chercher un livre » alors que je me demandais si j’allais revenir te reparler, mais te dire quoi nom de Dieu ? Fou furieux de timidité et d’inhibition ! Larvesque ! En rentrant chez moi, je me suis à pleurer et à me gifler moi-même à toutes volées devant mon miroir qui rigolait et qui me disait « non Seigneur Pierre ce n’est pas chez toi qu’Amélie va venir passer sa soirée du samedi mais chez Thierry dont tout le monde parle ». Et j'ai brisé le miroir.

    Tout ça, mes inhibitions, mes peurs, mes tares, mes TOC, c’est à cause de mon Cancer qui empoisonne mon Lion. Tu dois comprendre ça l’astrologie, t’es bien une femme. Et une Lionne (Oh quand je l’ai su…) Et bien, le feu que le Lion (sot) allume en moi, le Cancer l’éteint. Ma lune éclipse mon soleil. Pour moi c’est tous les jours le 11 août 99  [NDLR : jour de l'éclipse] ! « L’ennemi » comme tu dis est ce crabe sadique qui me ronge, me broie, m’empêche tout, ne me permet rien, et me gâche même les rencontres avec toi………………..Mais la dernière fois, au Salon du Livre, oh merci mon Dieu, merci mon Lion, j’ai pu me maîtriser et aller te voir sans m’agresser ! Tu as vu comme j’ai été bavard cette fois-ci ? Je n’en revenais pas moi-même. Et je t’ai même entendu quand tu m’as répondu ! Parce que d’habitude je suis tellement paniqué à l’idée que toi, Amélie Nothomb, tu me parles, que mes oreilles se bouchent d’elles-mêmes et que je n’entends plus rien, sauf mes voix « cancériennes » qui me hurlent « tire-toi imbécile ! tu ne vois pas que tu l’importunes ? » Là, tout marchait bien, on a presque eu un dialogue normal – progrès immense. « Pierre, c’est un plaisir que de se ridiculiser à vos yeux. » m’as tu susurré, faisant sourire tout le monde. Tu as la moquerie délicieuse, tu sais. Et la bienveillance redoutable. Tu m’as ressuscité. J’étais si à l’aise qu’encore un peu et je te reparlais de Jalons ! (et notre stand était à trente mètres du tien, tu le crois ça ? Un vrai « signe » pour moi !)

    Oui, les étoiles ont été avec nous ce jour-là. Ca n’a duré que deux minutes, mais dans mon esprit, ça a rattrapé toutes mes sottises passées ; il est très gratifiant pour moi que Montalte perce parfois derrière ce pauvre Pierre Rey. Peut-être un jour le remplacera-t-il. Si vous avez un souhait à faire à mon endroit, faites celui-là.

    Depuis le 21 mars, inutile de vous dire que je pète la forme et que je suis dans un état de grâce qui va durer au moins trois mois : dans mon cœur, le printemps, c’est vous. Et puisque vous m’avez un fois de plus accordé votre sourire, vous accepterez bien volontiers que mon délire, ma maladresse et mon admiration le célèbrent.

    Je vous embrasse, Amélie Nothomb.

    TRIVELIN

    PS : Pour Eyes wide shut, je vais quand même y revenir…Il faut malgré tout que je vous explique pourquoi vous avez tort et pourquoi j’ai raison. Et puis, j’ai suffisamment rampé dans cette lettre pour agiter ma crinière et rugir dans la suivante....

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