Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Joseph Vebret - Page 10

  • Planète Vebret

    François Mauriac, l'épouilleur (extrait)

    « La race implacable des simples » - on ne fait pas plus méchant ni plus antisocial. En vérité, les humbles n’ont pas bonne mine dans les romans paysans du XIX ème, XX ème et même XXI ème siècles. De Mauriac à Pierre Jourde, la perfidie du romancier fut toujours de montrer en quoi la petite maison dans la prairie est un repère de scorpions, un nid de vipères, un pays perdu. Dans Thérèse Desqueyroux, on nous décrit « le simple » comme un être qui aime la nature, la chasse, le sexe de temps en temps, la famille par-dessous tout. Dénué d’humour et d’intelligence, il n’a pour lui que cette «  cruelle perspicacité des rustres » selon le terrible mot de Bernanos. De page en page, il semble que Mauriac fasse tout pour l’enfoncer dans sa grossière brutalité. Et c’est là que la critique de Sartre peut alors rebondir. Est-il en effet honnête de la part du romancier de nous dégoûter de cette âme simple ? Est-il chrétien de nous faire passer ce représentant des « braves gens » pour un abject bouseux dont la mort donnerait raison aux « grands hommes » qui ne font pas cas des hommes ?

    « … il est de ces campagnards ridicules hors de leur trou, et dont la vie n’importe à aucune cause, à aucune idée, à aucun être. C’est par habitude que l’on donne une importance infinie à l’existence d’un homme. Robespierre avait raison ; et Napoléon ; et Lénine… »

    En faisant du modeste laboureur un affreux connard, Mauriac ne passe-t-il pas de la case « créateur » à la case « manipulateur » ? Combien de gens seraient dans la réalité contre Thérèse et pour Bernard ? Enfin, qu’est-ce que c’est que ces histoires d’êtres supérieurs qui souffrent de vivre dans un milieu inférieur ? Décidément, la littérature est le lieu de toutes les vanités dangereuses, de tous les paradoxes assommants, car comme dirait Bernard lui-même :

    « Ce n’est pas malin d’avoir de l’esprit ; on n’a qu’à prendre en tout le contre-pied de ce qui est raisonnable».

    Que n’a-t-il dit là ? Le voilà comparé, quand il fait l’amour à sa femme, à un porc qui renifle de bonheur dans son auge (« c’est moi l’auge », pense Thérèse à cet instant). Ah si sa femme était plus simple, plus humble, moins fantasque, comme cela se passerait mieux entre eux ! Ce n’est pas le moindre vertu de Mauriac que d’avoir révélé au public de son époque que le viol pouvait exister dans le mariage (ce que déniait la loi du temps), et que le désir mortifié d’une femme pouvait conduire au crime. C’est effectivement au lit que Thérèse pensera à supprimer son homme simple de mari.

     

    "Faire souffrir le diable " - sur Grand beau temps de Philippe Sollers (extrait)

    Marx, Freud… « Il n’y a qu’à les prendre avec soi et aller plus loin, au loin, au lieu de s’épuiser à les imposer ou à les réfuter. » C’est ça, être souverain, syncrétique, absorbant. Prendre tout, digérer tout, et partir. Vacances. Océan. Ile de Ré. « Moi, je vote poisson… Mouette… Ecume…Huître… Palourde… Papillon…N’importe. » Et l’on écrit pour les fleurs, pour celle-ci en particulier ou pour celle-là. La vérité vraie, de tout temps et en tout lieu, c’est que « le paradis est mal vu. »

    Sauf dans le catholicisme, évidemment, cette religion qui est « la négation même de toutes les religions », et qui lui semble « la moins policière au niveau de la surveillance de l’exception possible ». La clef de notre époque ? L’Eglise surveille les masses, les masses surveillent les exceptions, l’Eglise protège les exceptions - les masses ont déclaré la guerre à l’Eglise. CQFD.

    Que le pape se retrouve au centre du dispositif, c’est ce qui n’était pas du tout prévu au programme. C’est pourtant lui le seul chef spirituel au monde qui soit aujourd’hui garant de l’individuation. Pas étonnant qu’il soit devenu le premier ennemi du monde. Qu’il ait été récupéré cette brebis galeuse de Williamson est diablement catholique. C’est le berger qui abandonne le troupeau pour aller chercher l’égaré – ce que le troupeau ne peut logiquement lui pardonner. On le comprend presque.

    Tant pis pour le lynchage ! Plus on nie le catholicisme, plus on le renforce. Plus on le crucifie, plus il ressuscite dans les esprits. Marie conçue sans péché ? Marie vierge avant, pendant et après ? Y croire est une preuve d’humanité. C’est cette anti-nature mystique qui nous délivre de notre nature, de notre animalité et nous fait transcender notre primitive barbarie.

    Pourquoi j'aime Sollers ? Parce que c'est l'un des rares qui tiennent encore tête à Onfray...

     

    La suite dans LE MAGAZINE DES LIVRES N°15, en kiosque depuis le sept mars.

     

    Magazine des livres n°15.jpg

     



     

     

    Lien permanent Catégories : Joseph Vebret Pin it! Imprimer