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Pierre Cormary - Page 116

  • Contre l'enfer II - Du Maranatha au Dies irae

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    Continuons donc dans notre théologie de comptoir avec ce pauvre hérétique malhonnête de Hans Urs von Balthasar qui ose questionner la légitimité de l'enfer contre sa propre doctrine qu'il n'a même pas lu contrairement à ceux qui voudraient brûler son livre et lui avec.

    La foi chrétienne, explique Urs, peut se définir comme une confiance en Dieu, (« fides » signifiant autant foi que confiance), un abandon en Dieu (« je crois en Dieu » = « je m'abandonne à Dieu »), ce que d'aucuns appelleraient une foi insouciante. En toute logique, on peut considérer que plus le croyant s'abandonne à Dieu, plus il est empli de Son amour et réciproquement plus il résiste à Dieu, plus il s'en éloigne (mais que signifie exactement un croyant qui s'éloignerait de Dieu, pire, qui n'aurait plus confiance en Lui ? J'allais dire : un chrétien malheureux de croire ? Un catholique que le catholicisme fait vomir ? C'est peut-être ça le début de la damnation...)

    Qu'importe. Tout dans le credo et la confession va dans le sens du salut – et de la tripartition des trois Personnes : création du Père, Rédemption du Fils, Sanctification de l'Esprit, et sans qu'il ne soit nulle part question du diable (ce qui serait un peu fort.) Mieux, l'appel de nous aimer les uns les autres, qui est quand même le fondement de l'enseignement christique, implique de ne juger personne. Seul Dieu jugera. Mais l'Homme ne jugera pas l'Homme. Paul exhorte ses frères à ne pas se juger :

    « Le Christ est mort et revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants. Mais toi, pourquoi juger ton frère ? Et toi, pourquoi mépriser ton frère ?... Chacun de nous rendra compte à Dieu POUR SOI-MÊME. » (Rm 14,7). Et là, Pierre Blouque marque un point.

    Et Urs de renchérir : « As-tu le droit de refuser à ton frère l'espérance que tu as investi à ton compte ? ». La question de l'enfer pourrait alors s'arrêter là. L'enfer est l'affaire de Dieu et certainement pas la nôtre. Prions pour notre salut et pour celui des autres et basta. Espérons que nous irons tous au paradis même si Dieu jugera autrement. Croyons en l'apocatastase même si ce ne sera pas le cas.

    Sauf que l'on sent bien que l'on ne peut ni intellectuellement ni spirituellement en rester là, que la question du jugement, et donc de la sanction, se pose naturellement. Et qu'en effet, il y a dans l'Evangile et dans la Bible nombre de versets allant dans le sens de la géhenne du feu. Par ailleurs, « un amour qui abolirait la justice créerait une injustice et ne serait plus qu’une caricature de l'amour. L'amour véritable, c'est la surabondance de la justice, surabondance débordant la stricte justice, mais sans jamais la détruire », ce qui en toute logique est assez vrai (surtout pour le diable qui est logicien). En vérité, la contradiction devient de plus en plus infernale : jugement et miséricorde commencent à sembler incompatibles. De même, amour et justice – car quoi qu'on dise, l'amour n'est pas juste, la justice n'est pas aimable. L'amour privilégie, console, apaise ; la justice compense, corrige, rééquilibre (et cela depuis la Parole d'Anaximandre ; l'amour est individuel ; la justice est sociale. Entre le Maranatha (Seigneur, viens !) et le Dies irae, le torchon brûle.

    Alors... Est-ce que c'est la justice qui prend le pas sur l'amour ou est-ce l'amour qui déborde la justice ? Ou mieux : est-ce le bien qui l'emporte totalement sur le mal – au sens qu'il convertit le mal à lui-même ou ne se contente-t-il que de le punir éternellement ? Et qu'est-ce qu'un mal puni éternellement sinon un mal éternel ? Le damné, à sa manière, l'emporterait-il ? (d'autant qu'en plus même Dieu ne peut revenir sur ce que le démon a fait – sauf au cinéma bien sûr)

     

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    Charles Manson (Damon Herriman) dans Once upon a time in Hollywood.

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