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Pierre Cormary - Page 167

  • Antonin Artaud, Gilles Deleuze, Anne Bouillon - Les métamorphoses de la philosophie.

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    Dans lequel de ses cours Gilles Deleuze exhortait-il ses étudiants à se demander ce qui les faisait faire de la philosophie ? Quel est votre problème fondamental, interrogeait-t-il, et qui n’est rien d’autre qu’un cri primal ? Que signifie crier avec Platon, Kant, Hegel ? Et pire, ou mieux : penser, vraiment penser, n'est-ce pas souffrir ? D'où sans doute le fait que nous pensons si rarement - seulement quand nous y sommes forcés, et encore.

    A ceux qui croyaient que la philosophie consistait en une activité pépère qu’on se livre au coin du feu le soir en sirotant un bon calva pour se divertir des affaires du jour ("les vrais problèmes", comme disent ceux qui se croient les "vrais gens"), l'essai d'Anne Bouillon, Docteur en philosophie en 2013 (27 ans), Antonin Artaud et Gilles Deleuze - L'impossibilité de penser risque de faire dresser les cheveux. Rien de plus terrible en effet que la philosophie, impossible exercice de pensée, impossibilité même de la pensée – lieu où l’on se rend compte qu’être mis à la question de la pensée n’est pas une simple métaphore. La vérité est que la pensée relève de la métamorphose qui relève elle-même de l'écorchement. En ce sens, le plus grand philosophe est Antonin Artaud, suicidé de la société, crucifié du sens (l’horrible bon sens), écartelé de la loi et du jugement, Damiens des concepts – et pour qui la pensée passe par les os, les nerfs, l’anus et la merde que pue l’être. C’est ce que Gilles Deleuze, le plus grand hérésiarque de la pensée contemporaine, et qui était aussi un spécialiste de la douleur, divin masochiste s’il en est, a senti, entendu, reconnu en Artaud. Dès lors, il s’agira moins de soigner la douleur, comme le firent les médecins de Rodez à coups d’électrochocs, que d’extirper l’être qu’elle contient et sa splendeur poétique. Car, comme le disait Artaud lui-même, « me traiter en délirant, c’est nier la valeur poétique de la souffrance qui depuis l’âge de quinze ans bout en moi devant les merveilles du monde de l’esprit que l’être de la vie réelle ne peut jamais réaliser ; et c’est de cette souffrance admirable de l’être que j’ai tiré mes poèmes et mes chants. » La souffrance comme déploiement de l’être (coucou Michel Houellebecq), vérité initiale de la vie mais aussi accouchement de la parole et de la musique. Et c’est ce rôle d’accoucheuse (de Phénarète - la mère de Socrate était une sage-femme, ne l’oublions jamais !) qu’endosse Anne Bouillon en cet essai à la fois fulgurant et foutraque, sachant user du fouet et des forceps quand il le faut, mais révélant les corps glorieux (et le sien ô combien !), héroïques ou sans organes, et par lesquels nous pourrons nous aussi comprendre le langage des sirènes, c’est-à-dire entendre le chant derrière le cri.

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