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Pierre Cormary - Page 238

  • V - Cosa nostra

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    "Rien n'est impossible."

     

    7 - L'angoisse et le néant.

    « Le contraire du péché n'est pas la vertu mais la foi. La foi, c'est la foi en Dieu à qui tout est possible, pour qui l'impossible n'existe pas. Cependant la raison humaine ne consent pas à admettre que tout soit possible : cela équivaudrait pour elle à fonder l'univers sur un arbitraire illimité. »

    Croire le contraire - que le contraire du péché n'est pas la foi mais la vertu -, c'est tomber dans le pélagianisme, l'hérésie la mieux partagée du monde et qui consiste à croire que le péché est d'abord mauvaise volonté, mauvais choix, erreur de jugement, et subséquemment, que l'homme se sauve d'abord par ses propres forces et non par la miséricorde divine. Dans ce cas, la foi serait moins un "tout" qu'un "plus" -un "petit plus". Face à cela, il faut être honnête et reconnaître que nous sommes tous peu ou prou pélagiens. Dans la plupart des situations dans lesquelles nous sommes impliqués, nous comptons bien plus sur nos forces que sur la grâce - et nous aurions même tendance à considérer celle-ci comme peu fiable, car trop souvent arbitraire, n'obéissant qu'au bon plaisir de Dieu. Quand j'entends le mot grâce, je sors mon révolver : c'est plus sûr pour se défendre contre les méchants, ou l'être contre mes ennemis.... Par ailleurs, même sur un plan théologique, comment rejeter complètement la vertu du salut ? Il faut bien être humain, moral, méritocrate.

    Mais dans ce cas, que deviennent Job et Abraham ? Que deviennent ceux qui n'ont plus que le salut ou le miracle comme horizon ? C'est alors que Kierkegaard se met lui-même à douter de la foi et à raisonner comme Hegel. La vérité est que le péché originel reste fondamentalement incompréhensible. Les destins de Job et d'Abraham, totalement révoltants. Dieu, bien insensé et cruel. Pourquoi nous avoir créés coupables - ou laissés tomber dans la culpabilité ? Pourquoi ne serions-nous pas innocents après tout ? INNOCENTS ? Mais même dans ce cas-là, nous serions encore dans l'angoisse. Créés libres, donc, dans angoissés. Nous y voilà. Le concept de l'angoisse réside dans notre liberté. L'angoisse, c'est notre possible. L'angoisse est en nous bien plus forte que le culpabilité - qui n'est qu'une occurrence psychologique. Alors que l'angoisse est structurelle de par la fait que nous soyons là et que le monde dépende de nous.

    Telle est donc l'alternative. D'un côté, Dieu, à qui tout est possible, nous donne ce possible ; de l'autre ce possible apparaît comme ce qui pourrait nous briser plus que mille autres "dons". Par le possible, Dieu pourrait nous briser - ou pire, nous laisser nous briser.

    Comme nous étions plus à l'aise dans le destin où tout était décidé à l'avance, où tout était nécessaire, où le néant n'était pas un si grand problème. Le néant nous apaisait. Avec le christianisme, il nous angoisse. Car c'est nous qui avons fait tuer notre frère, pas Dieu ni le destin, nous. Le fratricide a été notre possible, notre chose, notre orange. Le possible est cosa nostra - « ce qui est à nous ».

     

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