Arthur Hughes, Rosalinde (1872)
"Et votre expérience vous rend triste ! J'aimerais mieux avoir un fou pour m'égayer que la barbe de l'expérience pour m'attrister." Rosalinde, IV-1
Elle mène son monde, la Rosalinde. Seigneurs, paysans, amoureux, timides, jaloux, compliqués - tous à son écoute, à sa parole, à sa joie. C'est elle qui organise les amours et les vies des autres. "Aimez qui vous adore", exhorte-t-elle à Phébé, la bergère revêche. Cela devrait être ça l'amour - aimer qui nous aime. Evidemment, on préfère toujours aimer qui ne nous aime pas - et qui nous aime nous ennuie. L'incompatibilité qui fait notre malheur ne laisse pas de nous exciter.
Alors, on se met à rêver d'un monde où le tragique serait dissous. C'est le monde de Comme il vous plaira - la pièce la plus ressourçante de Shakespeare, celle où rien ne se passe qui ne mène à l'espièglerie, à l'aventure des corps (encore une histoire de travesti !) et à la féérie des coeurs. A la fin, tout finit bien sans tiers négatif. Les méchants deviennent bons, les usurpateurs démissionnent, les durs se font doux, et les grincheux rentrent, de leur propre gré, au monastère - donc, pas si malheureux que ça.
Et pourtant, tout avait commencé sous le signe de Caïn.