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Pierre Cormary - Page 280

  • 22 - Eléments, n°154 - Ce que j'en retiens

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    Le tournant, par Robert de Herte.

    Mutations générales du monde. Incertitudes totales des terriens. Redistribution incessante et épuisante des cartes politiques, morales et géographiques. "Jamais on n'a assisté à un bouleversement aussi général."

    Nos problèmes ? Ecologiques (épuisement des ressources naturelles), inter-ethniques (avenir des migrations internationales qui mettent à mal les identités et les peuples), militaro-économiques (nouvelles formes de guerre, celles du pétrole et de l'eau, du cyber et de l'espace), transhumains (fusion programmée du mécanique et du vivant, théorie du genre, mères ovuleuses et porteuses, enfants à vendre, foetus Amazon).

    Nos ennemis ? Plus que la Russie (avec qui l'on rêve "Eurasie"), encore et toujours les USA "prêts à tout, strictement à tout, pour préserver leur statut de nation indispensable" --------------> Mais dans ce cas, quitte à être un vassal (ce que nous sommes depuis l'après-guerre), pourquoi l'être de la nouvelle Russie tsariste plutôt que de la bientôt vieille Amérique impérialiste ? Avec qui partageons-nous le plus de valeurs ? Les gens du Met. ou ceux du Bolchoï ? Depuis toujours, on aime détester l'Amérique, en France, autant qu'on aime aimer la Russie. Et l'extrême droite admire aujourd'hui Poutine comme naguère la gauche radicale admira Lénine. Mais moi ? Le serf que je suis préfèrerait-il, s'il devait quitter la France, s'installer à New York ou à Moscou ? Quelle meilleure soumission pour moi ? Et pour vous ?

    "Après avoir tout détruit, le capitalisme, tel un scorpion, ne peut plus que se détruire lui-même" - sauf que le scorpion est justement l'animal qui survit à tout. Et puis, l'autodestruction du capitalisme.... Il y a toujours quelque chose qui ne me paraît pas crédible dans la critique totale et holiste qu'on fait de lui.  Parce que c'est grâce à lui qu'on a l'électricité et l'eau courante, non ? Le capitalisme, on feint tous de le mépriser mais on en jouit tous, non ? (Du moins en Occident, puisque les esclaves sont ailleurs...) LE CAPITALISME, CE N'ETAIT PAS LE PLAN MARSHALL, NON ?

    Mais ok, suivons Deub's jusqu'au bout - puisque c'est le dernier post de la série. Va pour le déclin et l'apocalypse qui l'accompagne délicieusement, ce qu'il appelle "le processus sub-chaotique de décivilisation". Si guerre il y a, celle-ci se fera non pas tant entre le Nord et le Sud, entre l'Occident et l'Islam, comme les gens de droite en rêvent, mais encore une fois, entre l'Ouest et l'Est, entre la mer et la terre, entre "les forces thalassocratiques (système de l'argent) et les forces continentales (principe de réalité)". Et depuis que nous sommes revenus dans l'OTAN via Sarkozy et que Poutine a été désigné comme l'ennemi principal, cela va être très difficile de ne pas la faire, cette guerre-là.... Et comme plein de gens seront encore violemment anti-américains et violemment pro-russes, il pourra aussi y avoir un risque de guerre civile, tout au moins de grave désordre.

    TRANSATLANTIQUE OU EURASIEN PLUTOT QUE MUSULMAN OU CHINOIS, TELLE EST LA QUESTION. 

     

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    Michel Marmin (mes vingt Walsh !) interviewe Philippe le Guillou. On évoque Argol, Gracq, Brocéliande, le courant aurifère (et druidique) de la littérature française, la question du catholicisme celte ou du celtisme catholique, mais aussi le Ludwig de Visconti, Drieu, Raspail, Pompidou, enfin les Stèles à de Gaulle, pendant de L'écriture de Charles de Gaulle, de Dominique de Roux. Exaltant et étrange.

    Ludovic Maubreuil fête "P'tit Quinquin", de Bruno Dumont, à sa manière inimitable : force d'un cinéma qui croit en l'imprévisibilité de la vie, faite "d'Epiphanie et filigrane", qui se passe de moraline (pas d'anti-racisme triomphant ici, et encore moins de "vivre ensemble" qui "calmerait le jeu" et cela sans aucun mépris pour ses personnages - ce qui va de soi : plus on est moral, plus on méprise le monde et moins on l'est, plus on lui rend raison, y compris celui de ces bouseux asociaux ou de ces handicapés mentaux), qui sait tenir à distance autant "l'effet de réel qui fascine à bon compte que le symbolique qui désincarne", qui ré-enracine encore et toujours (le Nord) sans pour autant christianiser (ce qui se discute). En tous cas, c'tait bien torché, Carpentier ?!

     

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    Dans les pages Cartouches, on rappelle combien Zeev Sternhell continue à affirmer l'idée que la France est le berceau du fascisme et qu'un livre collectif, Fascisme français ? - la controverse, sous la direction de Serge Bernstein et Michel Winock, remet en place. On interroge ensuite le mythe helléno-germanique (les Allemands ont-ils les Grecs du XIX ème siècle ?). On fait de Sade le visionnaire du néo-libéralisme (eugénisme + social-darwinisme) en stigmatisant l'anthropologie négative du libéralisme, à savoir cette idée, forcément discutable mais si séduisante, que "les vices privés font le bien public", que plus on est âpre au gain, avide et cupide, plus on crée de la richesse et plus tout le monde en profite, que l'égoïsme est une forme secrète d'altruisme, que du mal sort le bien (La fable des abeilles, de Mandeville, 1714).

    Sinon, c'est toujours le christianisme qui est responsable d'avoir désenchanté le monde et fait de la nature un objet de science (Jean-Paul Castel, Sciences et religions monothéistes, l'inévitable conflit) et c'est pourquoi Homère contient plus de sagesse et d'intelligence que les trois monothéismes réunis (Jean Soler, Le sourire d'Homère). Même si c'est en Occident qu'on porte et qu'on pense encore le mieux sa propre critique, la raison comparaissant en permanence devant son tribunal - la raison étant elle-même son tribunal (Gilbert Larochelle et Jean-François de Raymond, La repentance. Le retour du pardon dans l'espace public).

    De leur côte, Julliard et Michéa rappellent qu'en France, la conscience est plus "de peuple" que "de classe". Reste que l'alliance historique entre la gauche et le peuple "se défait sous nos yeux" et que c'est cela dont la vraie gauche devrait se soucier (Jacques Julliard et Jean-Claude Michéa, La gauche et le peuple).

    Encore les druides, page 23 avec Les Druides, l'intégrale par Istin / Jigourel / Lamontagne. Mais quoi ? Encore Game of Thrones (et personne ne pourra dire que j'ai été hors sujet depuis 22 posts !)

     

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    Question "science", eh bien, on est de plus en plus nombreux sur cette bonne vieille Terre. Rémi Brague a tort : l'explosion démographique ne s'arrêtera pas au XXIème siècle. On est 7,3 milliards aujourd'hui et on sera 9,6 milliards en 2050 et 10,9 milliards en 2100 -  et encore dans l'hypothèse moyenne, car dans l'hypothèse constante (taux de fécondité échangé), on serait 28,6 milliards en 2100, dont 17,2 milliards en Afrique. Il est clair que "plus il y aura d'humains sur Terre, moins la planète sera humaine."

    A part ça, les femmes sont plus dépressives, car plus scrupuleuses, que les hommes, au boulot. Est-ce la raison pour laquelle l'humanité a déifié les femmes tout de suite et comme la nouvelle Vénus Callypige  préhistorique qu'on a récemment découvert à Amiens le prouverait encore ? Et puisque nous sommes dans la préhistoire, notons que c'est en Europe les premiers loups furent domestiqués il y a 32 000 ans et non au Proche-Orient comme on l'a souvent cru.

     

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    De toutes façons, voici venir le temps des Multivers. Les anti-uniques l'attendaient depuis longtemps. Enfin les sciences officielles déconstruisent l'idée d'un cosmos unifié. "L'univers homogène bat de l'aile", écrit Jean-François Gauthier, et cela grâce notamment au jeune astrophysicien Aurélien Barrau qui dans Des univers multiples en finit avec l'unicité de l'univers, l'idéologie du big bang et la physique théologienne mystique qui a fait de l'unité sa croyance primaire. "Cosmos-Un est mort ! Vive Cosmos au pluriel !"

    Encore une fois,

    monothéisme = mêmeté = mort

    christianisme = universalité = globalité = capitalisme = mort.

    Polythéisme = divers = régionalisme = cultures avec "s" = vie plurielle (mais aussi sorcellerie, occultisme, Mélisandre !)

     

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     Eric Zemmour et Alain de Benoist, enfin.

     « - Saviez-vous que vous êtes devenu une véritable star des prisons françaises ? J'ai rendu récemment visite à un ami à Fleury-Merogis et, comme il trouvait le temps long, je lui ai apporté quelques ouvrages, dont le vôtre. Vous le croirez ou pas : il est devenu une sorte de héros, celui qui était présumé vous connaître, et votre livre circulait désormais de cellule en cellule. Il y a en prison toute une population arabe qui ne jure que par vous. Les détenus défilaient pour lui demander : "alors t'as le Zemmour !", "t'as le Zemmour !"

    - Cher Alain, savez-vous ce que vous aurait dit mon père ? Il a vécu 50 ans en Algérie et parlait très bien l'arabe. Je vais vous donner la clef de compréhension, car c'est mon père qui me l'a donnée. Il m'a toujours dit que les Arabes respectent l'honneur et le courage. Ils ne sont pas sur les idées : ils sont sur l'homme. Je me souviens que ses copains arabes m'aimaient beaucoup. Cette anecdote me touche et m'enchante au plus haut point. C'est très exactement ce que nos Précieuses Ridicules de plateaux télé, qui hurlent au moindre mot de travers, ne comprendront jamais. Elles ne peuvent pas voir la force des réalités humaines les yeux dans les yeux.

    - J'ai été dernièrement à Montpellier pour une conférence. A la fin, un adolescent maghrébin me demande une dédicace pour son père. Je lui demande quel nom écrire. Il me répond : "à Mohamed, de la part de son fils qui l'aime". J'ai trouvé le geste attendrissant et moins anodin qu'il n'y paraît...

    - Pour aller dans votre sens, j'ai vu ou lu récemment un entretien de Franck Ribery, un joueur de foot français de l'équipe du Bayern de Munich, dans lequel il explique sa conversion à l'islam. Cet homme, qui n'aligne pas trois mots en français correct, a tout simplement raconté avoir aimé la chaleur de la famille de sa famille algérienne qui l'a accueilli, un amour tel qu'il s'est approprié en retour l'histoire de l'Algérie. Rendez-vous compte : il a fait du Renan à l'envers ! »

     

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    L'essentiel de la discussion (absolument passionnante) portera sur l'affrontement des deux gauches, la libertaire et la sociale, et le triomphe de la première depuis mai 68 ; la nouvelle lutte des classes entre les élites, citoyens du monde hors-sol et les enracinés tradi que l'on ne cesse de vouloir déraciner ; l'idéologisation sociétale dans laquelle on baigne plus que jamais ; la volonté de mener contre elle une politique gramscienne, soit une "guerre culturelle", et qui commence d'abord par la déconstruction systématique des déconstructeurs. Fascinant de voir le régionaliste impérial de Benoist s'opposer au jacobin bonapartiste Zemmour qui n'est "pour l'empire carolingien que si c'est la France qui en prend en la tête et contre si c'est l'Allemagne" - credo que d'aucuns trouveront fort peu déontologique, sinon logique, mais qui est bien le fait d'un homme qui ne trahit pas son camp, sa patrie, sa famille au nom de la justice. Tant pis, pour une fois, pour Simone Weil !

    Mais si la République n'assimile plus, rétorque Deub's, ne faudrait-il pas alors changer de régime et fonder un empire des régions ? Car il est clair, et son interlocuteur assimilationniste le reconnaît, "on n'assimile les individus, pas les peuples". Or, ce sont bien les peuples qui s'installent de plus en plus chez nous - et peu à peu risquent de nous remplacer.  Quel sera alors le sens de notre "décence ordinaire" ?

    A propos, ne faut-il pas en finir avec cette formule forgée par Orwell, figure intouchable de la nouvelle gauche populaire, et qui ne signifie rien à force de trop vouloir signifier et dont la seule vertu est intentionnelle ? C'est ce que propose le sociologue François de Négroni dans son article. Pierre Balmefrezol, tu as adorer...

     

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    Pour une critique du concept de décence ordinaire, par François de Négroni. .

    La "common decency" ou le passe-passe de tous "les intellectuels en débine" qui préfèrent rêver plutôt que faire la révolution. La "common decency" ou la négation absolue de la sociologie.  La "common decency" comme recherche d'un prolétariat mythifié, fantasmé et introuvable. La "common decency" ou la mystique affectée des bourgeois de gauche (parfois de droite) pour les petites gens, les vrais gens, les braves gens. Mais ça n'existe pas, les braves gens, à part dans la tête de Pierre Poujade ou de Patrick Sébastien. Pas plus que n'existe "le peuple", fausse notion par excellence. En vérité, les common decencystes ont une vision disneyenne du monde ni plus ni moins - d'un Disney d'un gauche et qui conduit au social libéral façon Tony Blair. De Eric Arthur Blair à Tony Blair ! CQFD.

    "La common decency, une fois traversées les galantes apparences, renvoie davantage à la stratégie des puissants qu'à la spontanéité des dominés. C'est un principe d'économie. De régulation de la coexistence. L'ordre bourgeois introduit dans l'expression des rapports sociaux. La neutralisation symbolique de la lutte des classes à l'intérieur des territoires partagés, publics ou domestiques. La mise en scène cauteleuse et indolore d'un modèle culturel au sein duquel se dilue la dimension orale de servitudes non-volontaires. Cette ritualisation au rabais de la réciprocité dans les échanges interindividuels, qui conduit à confondre convivialité machinale et liens de fraternités effectifs, accomplit le projet de mystification unanimiste fomenté par les appareils idéologiques du pouvoir. Et elle ne colle à l'habitus populaire que sur le mode de la fiction, de la fétichisation pour mieux araser son potentiel insurrectionnel. Tel se révèle l'envers du décor frais et idyllique planté par le prestidigitateur Orwell, avec sa baguette d'Harry Potter : de la comédie, de l'euphémisation, du détournement, du mécanique plaqué sur le vivant."

    Quant à Michéa, orwellien en chef, il n'est qu'un "grand benêt attendri" qui fait semblant de connaître le peuple, "un pleurnicheur incapable de résister aux vieux appâts de la solidarité organique, du groupe en fusion, du potlach", un ringard qui sert les intérêts de la world company sans le savoir.

    Bien sûr, il faudra lire la réponse de mon ami David L'Epée et de Charles Robin. Mais Négroni n'a-t-il pas frappé au coeur des choses ?

     

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     Cher Michel Onfray, encore un effort.... "pour nous rejoindre" ? C'est vrai quoi ? Tant de points communs entre lui et la ligne éditoriale d'Eléments : anti-monothéiste, anti-freudien, anti-capitaliste, anti-pensée hémiplégique, anti-européen (de cette Europe là, technocrate, ultra-libérale, vulgaire), anti-mondialiste, anti-féministe (de ce féminisme qui s'émeut plus d'un mot de travers que de la burqa), mais nietzschéen de gauche, païen cosmique, hédoniste populiste. "La balle est dans votre camp, Michel Onfray." Exact.

    (Encore que j'attends avec impatience le jour où ce dernier se rendra compte qu'après avoir dégommé Freud et Sade il se devra de dégommer Nietzsche.)

     

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    Michel Foucault : notre siècle néolibéral porte son nom, par François Bousquet.

    Le meilleur article de ce numéro pour le philosophe le plus influent notre époque transhumaine et post-identitaire, la sienne. Celui qui, dans un classement des penseurs les plus cités au monde,  arrive avant Bourdieu, Derrida, Butler, Heidegger, Marx et Nietzsche, est "revendiqué à la fois par les LGBT, l'ultra-gauche et les ultralibéraux", s'est imposé comme l' "évangéliste des minorités",  est devenu une "icône homosexuelle" - "a fucking saint" comme l'a dit David Halperin dans son Saint Foucault (1995). C'est en effet à lui doit des choses aussi fun que "le renversement du normal et du pathologique, le refus des assignations sexuelles, les études de genre, la politisation du corps, la revanche des minorités" et l'idée ultra cool que tout énoncé est énoncé lui-même d'un autre énoncé et ainsi de suite. Dans la lignée de Nietzsche : aucun fait, que des interprétations - et comme de ses collègues : aucune différence, que des différances (Derrida) ; aucune profondeur, que des effets de surface (Deleuze) ; aucune chose, que des mots (lui.)

    Lu autant au PS qu'au MEDEF (par notamment Denis Kessler, ex-numéro 2 de cette vénérable institution), il est la référence obligatoire de tous ceux et de toutes celles  qui mènent une lutte comme dirait l'autre) de la société civile contre l'Etat, du soi contre le nous, de l'anal contre le social. Son coup de génie sera de mélanger l'individualisme libertaire soixantuitard et le structuralisme, "la nouveauté intellectuelle dérangeante de l'époque", soit le corps et le concept, le souci de soi et l'épistémologie, les plaisirs et les théories. Ajouté à cela une écriture ensorcelante, d'une perverse limpidité, et l'on comprendra pourquoi ce "sodolibéral", comme dit l'autre, est irrésistible.

    "Plutarque des hommes infâmes", "à la poursuite d'un Eldorado de la perversion", anti-totalitaire jusqu'à la déréalisation du monde, "son oeuvre s'apparente à une opération de piratage philosophique" formidablement antisociale : c'est la raison qui crée la folie, c'est l'asile psychiatrique qui invente l'aliéné, c'est la prison qui fabrique le criminel, c'est la famille qui suscite le parricide, c'est la justice qui imagine le coupable. Et s'il anime au début des années 70 le Groupe d'Information sur les Prisons (GIP), ce n'est pas tant pour "qu'il y ait des chasses d'eau dans les cellules" que pour "arriver à ce que le partage social et moral entre innocents et coupables soit lui-même mis en cause."

     

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    Avant "le Grand Remplacement", "le Grand Renfermement" ! (Bien sûr, c'est une des plus grandes erreurs de la philosophie contemporaine et le plus beau mythe foucaldien, comme le démontreront un jour Marcel Gauchet et Gladys Swain.)

    Tant pis. Entre temps, notre roitelet chauve a découvert le néolibéralisme et lit avec passion Hayeck, Friedman, Becker. Ce qui le botte le plus, c'est le risque, le danger. "Pas de libéralisme sans culture du danger, se réjouit-il". Place au désordre, à la démesure, au dionysiaque, à la déconstruction orgasmique des choses. Plus géographe qu'historien et plus masochiste que sadique, Gilles Deleuze, son compère, parlera, lui, de déterritorialisation. Dans tous les cas, l'atomisation de la société est assumée comme telle. Vivent la dérégulation, le dérèglement et la dépense totale des devenirs !

    "Ce n'est pas la liberté d'entreprendre qui retient son attention, mais celle d'expérimenter". Expérimentation des limites si possible (Bataille), des singularités, des multiplicités. Le marché offre tout ce que l'on veut. La main invisible de la diversité fera le reste. De toutes façons, "l'ensemble de la société est ce dont il ne faut pas tenir compte, si ce n'est comme de l'objectif à détruire".

    EN DEFINITIVE, FOUCAULT AURA DESHONORE LE LIBERALISME.

     

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    C'est le temps des expériences SM extrêmes. "Californication" à San Francisco. "Jouir sans entraves, le corps entravé". Le corps n'est qu'une construction sociale qui évolue au gré des modes, le sujet un objet de croyance comme un autre, l'homme lui-même un mirage, la vérité, une fiction. Tout est langage des signes, hasard des sens. "Les mots et les choses" sont en réalité "les mots sans les choses."

    Mots fasciste. Langage fasciste. Réel fasciste. Ou ce que l'on veut en faire, car le réel n'existe pas - il n'est qu'une production conservatrice. Il faut changer de maison de production pour pouvoir mieux s'enculer et fouetter, voilà tout. "Transhumanisme sans retour."

    Politiquement, il fut tout, chaque chose en son temps. Gaullo-pompidolien, ultra-gauchiste, pro-mollah iranien, marxiste, libertaire, structuraliste, droit de l'hommien, pour tout abjurer à la fin de sa vie, en 1984. Il se sera bien marré.

     

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    A moins qu'il ne se soit fuit lui-même toute sa vie. "Caméléon idéologique", son obsession aura peut-être alors été de se dessaisir de soi plutôt que de s'en soucier, de s'enfermer lui-même dans sa prison et son asile, d'anéantir son être plutôt que de l'affirmer. Quand on ne reconnait pas son péché, c'est-à-dire son être, on se damne, on se dénie. Quand on plaide pour la théorie du genre, c'est qu'on ne supporte pas le sexe. QUE DIT EN EFFET LA THEORIE DU GENRE SI CE N'EST QUE LE SEXE EST INDESIRABLE ? Foucault a voulu être un structuraliste sans structure, une pathologie sans norme, un savoir sans vérité, un mot sans chose, un verbe pur, sophistique - un verbe qui ne soit ni chair ni Dieu et qui hurle sans fin. Ecartelé comme Damiens.

    Le plaignerons-nous ? Pas sûr.

    Allons, si. C'est la semaine sainte, demain.

     

     

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    Le grand retournement.

    Comment la classe dirigeante a épuisé ses propres défenses immunitaires. Comment les "cordons sanitaires", "digues" et autres "fronts républicains" ont fait long feu. "Histoire d'une panique morale et d'un naufrage intellectuel".

    Le succès de Zemmour comme symptôme social - et libération culturelle. Revanche populiste contre les élites.

    Rejet massif de l'immigration par trois Français sur quatre. Sentiment de perte d'identité et non pas tant "ethnique" que morale, sociale, économique, territoriale. Contre tous les antiracistes de profession, il faut répéter que ce n'est pas l'Arabe ou le Maghrébin qui fait peur, mais l'islam. La France n'a jamais été raciste, mais elle tient à ses clochers et ses vignes, à ses curés et à ses bouffeurs de curé, à ses saints et à ses caricaturistes, à Jeanne d'Arc et la Pompadour. Marianne peut être black blanc beur du moment qu'elle n'est pas voilée.

    Ras-le-bol général des inquisiteurs, qui traquent chaque mot de travers, des donneurs de leçon qui sèment la terreur déontologique et pour qui les mots sont les choses. Aveugles d'ailleurs au nouveau pivotement idéologique des uns et des autres : "extrémistes" de droite qui citent George Marchais, homosexuels qui rejoignent le FN, musulmans qui votent de plus en plus à droite.

    Comme le dit encore Zemmour : "la droite a abandonné l'Etat au nom du libéralisme, la gauche a abandonné la nation au nom de l'universalisme, l'un et l'autre ont trahi le peuple."  Et ne rêvons pas : c'est la droite libérale qui est responsable de la gauche libertaire. Au moins, ces retrouvailles du libéral économique et du libertaire sociétal auront restitué au libéralisme "son unité idéologique".

    [Mais pourquoi parler en termes de "monothéisme du marché", comme si le monothéisme était capitaliste en soi ! Passons, c'est bientôt fini...]

    Ce que l'on refuse tous, c'est cet homme déraciné, "hors sol" et heureux de l'être, et qui est chargé de se construire à partir de rien, auto-suffisant et auto-fabriqué. Prométhée enchaîné à lui-même.

    Pour autant, si la gauche a perdu la bataille des idées depuis dix ans, de l'aveu même de l'aveu de Jean-Christophe Cambadélis, c'est elle qui continue à dominer. Le pouvoir culturel, quoiqu'il soit sévèrement amoché, reste à gauche. Et c'est pourquoi l'on ne peut que saluer Richard Millet lorsqu'il écrit sur son blog : "je n'en peux plus m'en tenir à un détachement olympien (...). Je suis en guerre, je frappera sans relâche."

    Alors, à quand le début de l'insurrection ? Difficile de le dire tant ce genre de phénomène a besoin d'une situation précise, à savoir la coïncidence entre une idéologie radicale et un mouvement social réel, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Même si...

     

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    Ce qui frémit dans la jeunesse de notre pays, par Laurent Cantamessi.

    Nouvelle jeunesse. Nouvelle révolte. Identitaires, "Zadistes", "Veilleurs", "Autonomes", sinon bacheliers djihadistes, autant de jeunes gens qui, même s'ils ne correspondent pas tellement au profil de l'ancien "djeun" génération Mitterrand, tentent de retrouver une identité perdue, de défendre une terre méprisée, de redonner un sens au monde et à leur vie, et encore une fois, en mélangeant les cartes et les principes. Alors, oui, quelque chose se passe en France. Sinon, se prépare.

    En attendant, c'est le changement d'heure cette nuit. A deux heure, il sera trois heure.

     

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    Pour approfondir :

    - Sur l'illusion libérale, par Alain de Benoist (+ la petite vidéo expliquant le TAFTA).

    - Sur la critique de la notion de "Common decency", "mythe dangereux et identitaire" selon Laurent Joffin dans Libération.

     

    Pour tout recommencer

     

     

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