[D'abord, une remarque préliminaire : Les catéchistes arguent que l'apocatastase est une doctrine qui a été condamnée par l'Église. Certes, mais ce n'est pas cette condamnation qui a empêché que l'apocatastase ne se diffuse pas dans les esprits et les sensibilités – pas plus que l'abandon de la thèse augustinienne selon laquelle les nouveaux nés non baptisés vont en enfer a fait oublier celle-ci et diminuer la cruauté théologique de saint Augustin. Pour l'éternité, le « plus grand père de l'église » reste celui des foetus en enfer et c'est justice. Rarement on n'aura été aussi loin dans la négation féroce de l'humanité - et si quelqu'un mériterait l'enfer, ce serait bien saint Augustin pour avoir autant conçu un truc pareil, en plus de son désir de "massa damnata". Ce que je veux dire, c'est que la condamnation d'une doctrine n'empêche pas du tout celle-ci de se diffuser dans les esprits. D'Origène à Hans Urs von Balthasar ou de Grégoire de Nysse à Henri de Lubac, sans oublier L'Eglise orthodoxe, et sans parler même des poètes comme Victor Hugo, l'apocatastase est comme l'espérance secrète de l'Espérance et qu'être catholique ne se réduit pas à être catéchiste.]
Anyway.... Le mot apokatastasis apparaît une seule fois dans la Bible, au 3.21 des Actes des Apôtres. S'adressant aux juifs, Pierre déclare que si ces derniers font pénitence, Dieu leur enverra
« le Christ qui vous a été destiné, Jésus, que le ciel doit recevoir jusqu'aux temps de l'apokatastasis pantôn [du rétablissement - ou de l'établissement - de toutes choses] dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes. »
Rétablissement ou établissement, restauration ou instauration, retour du même ou aboutissement – dans tous les cas, boucle bouclée, alliance enfin réalisée, univers enfin en ordre, connexion totale entre créateur et création (entre alpha et omega, dirait Teilhard de Chardin), conversion cosmique, auto-contemplation de l'homme en Dieu et de Dieu en l'homme, sinon auto-amour de Dieu (comme chez Dante), rose céleste, happy end, et tel que Jean l'avait prédit : « je suis sorti du Père et entré dans le monde, et maintenant je quitte le monde et je vais au Père » (16.23), verset origénien s'il en est. On quitte Dieu pour y revenir.