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2020-2021 Shakespeare à l'heure de la covid - Page 15

  • TIMON D'ATHENES ou le péché de Dieu

    timon d'athènes,daniel sibony,avec shakespeare

     

    Encore un déçu du don. Encore un douteux de la dette. Lear donnait sa souveraineté. Coriolan, sa bravoure. Timon donne son or à qui en demande ou n’en demande pas et en exigeant qu’on ne lui rende surtout pas la pareille. C’est lui qui donne et ce sont les autres qui reçoivent, point barre. De fait, il exclut la réciprocité, annule la relation, rend impossible l’altérité sur laquelle se constitue toute amitié ou tout contrat. Son « toujours au service de mes amis », qu’il clame un peu imprudemment au début de la pièce, sonne comme une forme d’aliénation qu’il impose à tous, lui compris. C’est comme s’il voulait forcer la communauté en se rendant indispensable à celle-ci et du coup la rendre dépendant de lui comme lui pourrait se retrouver dépendant d’elle. Dès le deuxième acte, il est ruiné mais ne panique pas – ses « amis » qu’il a tant rincés l’aideront à coup sûr. À son pauvre intendant de Flavius, le seul qui ne soit pas dupe, il affirme que cette ruine est une bénédiction car ainsi il prouvera au monde entier que sa vraie richesse, ce n’était pas son or mais ses amis (« Je suis riche par mes amis », n’a-t-il pas de mal à déclarer.) Évidemment, ces derniers le lâchent un par un : le premier fait le moraliste en expliquant que « ce n’est pas le moment de prêter de l’argent » ; le second qu’il vient justement de s’endetter en acquérant une maison de campagne sans quoi il aurait accédé à la demande de Timon ; le troisième refuse tout net prétextant la vexation qu’il y a à être appelé à l’aide le dernier (« il me place donc assez bas dans son estime pour ne compter qu’en dernier sur ma gratitude ! »). Timon qui pensait être (enfin) aimé pour lui-même en est pour ses frais – et pète un câble. 

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