"Pierre Cormary n'a rien publié mais, par sa méchanceté jubilatoire et une intelligence assassine, sauve tout de même bien de ses textes d'un ridicule consommé qu'il est le premier, sans doute, à chérir, par une sorte de mépris retourné à son propre endroit." Le Stalker dans sa note du 21/09/05.
Arnaud Villani, notre holderlino-heideggero-deleuzien prof de philo de Khâgne à Nice, nous disait qu'il ne fallait jamais commencer son introduction à la dissertation en écrivant que le sujet posé était "l'un-des-plus-importants-de-l'histoire-de-la-philosophie". De même, notre prof d'histoire, Emile Llorca, décédé il y a deux ans, mais dont nous n'oublierons jamais aucun des cours jubilatoires qu'il nous dispensa sur la "Troisième République" et sur "L'Eglise catholique de la Révolution Française à 1914", nous exhortait à ne jamais conclure un devoir par des formules aussi sottes que "l'avenir nous le dira", ou pire "l'histoire jugera". C'était, je me souviens, le seul cours où je me mettais au premier rang, afin d' admirer l'animal de foire de culture, d'intelligence et de drôlerie qu'il était, en plus d'être un merveilleux conteur. Sa débonnaire férocité, sa cruelle bonne humeur, ses humiliations rieuses, son extraordinaire pouvoir de capter l'attention, nous aura tous servi, enfin je crois.
Pour autant, Gilles Deleuze, et c'est là où je voulais en venir après ce bref salut à mes deux maîtres du lycée Masséna, demandait toujours à ses étudiants qu'ils se demandent eux-mêmes, et avant toutes choses, quels étaient leur problème singulier, quel fil rouge liait leur métaphysique et leur physiologie, ce qui faisait qu'ils faisaient de la philosophie. Avant de penser, savoir ce qui crie en vous. La raison, la loi, l'amour ? Deleuze répondait "la douleur". Et de fait, celle-ci hante son oeuvre. La douleur du damné chez Leibniz, comme celle du masochiste chez Sacher-Masoch, la douleur d'Artaud pour qui parler c'est chier et chier c'est manger, la douleur de Bacon pour qui le corps est une viande qui hurle. Pire que la souffrance de l'âme (douleur gérable), la douleur du corps. La douleur est ce avec quoi on ne "dialogue" pas. Une sorte de vie incandescente, ultra-violente, prend la place de la nôtre et nous exhorte à nous demander si ce n'est pas, elle, la vraie vie, la vie pure qui se réveille en nous et contre nous. Une vie abjecte qui s'excite contre le corps, le forçant à d'hideuses sensations, crucifiant ce qu'il y a de plus érogène en lui. Corollaire de ce raisonnement tordu comme nous les affectionnons, c'est dans la jouissance que nous sommes le moins vivant, et c'est dans la souffrance, quand tout brûle, s'écorche, s'éviscère en nous, et que Dieu se branle, que nous sommes le plus vivant. La suprême jouissance, c'est bien la mort. Copyright Damiens.
Pour le grand nietzschéen que Deleuze était, la douleur devait constituer le test décisif. Le dionysisme, c'est bien beau, mais peut-on vraiment être dionysiaque - c'est-à-dire écartelé ? Que valent toutes les valeurs de Niezsche face aux tourments de l'existence ? Qui peut vouloir, sérieusement, le retour de toutes choses ? Si, au moins, il n'y avait que les grande douleurs muettes et nobles, celles qui font de nous des héros, à la limite pourrions-nous trouver la pose qu'il convient. Les larmes adéquates. Mais non, ce qui nous affecte, la plupart du temps, ce sont les petites douleurs, les trucs minables, risibles, qu'on n'oserait même pas avouer à un prêtre. Le souci d'argent qui nous déprime à partir du quinze du mois (et parce que nous n'avons pas su économiser, cochons prodigues que nous sommes), le chagrin d'amour qui nous incite à haïr toutes les femmes (ou tous les hommes) qui nous ont quittés parce que nous n'avons pas su les aimer, la défaillance sexuelle qui nous donne envie de nous flinguer. Tu parles du grand rire dionysiaque ! Les soushommes que nous faisons ! Ce n'est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule et honteux. Non seulement nous faisons de nos tragédies des preuves qui accusent la vie, mais en plus apparaissons-nous comme les comiques de notre tragédie. Celui-là qui se prend pour Othello se retrouve dans la peau de Georges Dandin. Notre destin ? Condamné aux larmes qui font rire les autres. Jean qui pleure, gens qui rient. Même Job se fendrait la pêche sur son divin fumier en voyant notre petit caca boudin. Que d'ordures en nous ! Que de merde dans le coeur !
Et Nietzsche qui fait semblant d'y croire - Nietzsche qui n'a jamais été nietzschéen, qui, au moment où il se perdait dans le Zarathoustra, écrivait en même temps dans une lettre privée : "je méprise la vie". Quel aveu ! Eh oui, Nietzsche méprise la vie, la vraie, la sérieuse, la professionnelle, celle pour laquelle il sent bien qu'il n'est pas fait, et qu'il a pris en haine mortelle. Ne lui reste plus qu'à se consoler en en imaginant une autre, plus "fauve", plus "artiste", plus "enfantine". Misérable farce ! La vérité, celle que Nietzsche ne peut pas supporter même à petite dose, est que la vie est moins l'affaire du lion que de l'insecte. La vérité est que la vraie vie est démocratique, morale et grégaire. C'est là où ça grouille que ça se passe. Mille pattes, tarentules, araignées, scorpions, vers de terre, voilà les vrais vivants. Comment ? Vous trouvez cela dégoûtant ? Vous préférez le lion ou l'aigle ? C'est que vous êtes comme Nietzsche, un dégoûté de la véritable existence. Un homme ou une femme du ressentiment. Un aristo décadent soucieux de ne pas se mêler à la masse - dont vous avez quand même besoin pour les basses oeuvres - toutes ! La termitière au service de la cime alcyonienne, c'est ça, le plan social de Zarathoustra. D'ailleurs, montrez-moi ce qu'il y a chez vous... O des livres, mon dieu ! mon pauvre ami ! C'en est fait de vous ! Quiconque aime vraiment la vie ne lit jamais aucun livre - sauf des livres de bricolage évidemment. Je n'exagère rien. Savez-vous que jusqu'à une époque récente, et encore aujourd'hui dans certaines familles, la lecture n'est pas ce que les parents conseillent en premier à leurs enfants ? Lire, c'est s'abrutir, c'est fuir la réalité, c'est s'inventer des choses fausses, c'est se faire le roi ou la reine de ces choses, et ensuite dédaigner le reste du monde. Aux yeux de l'homme humble et travailleur, la lecture est l'école du mépris. La preuve, il suffit d'ouvrir un livre de Nietzsche pour se rendre compte combien il en veut à la terre entière. A chaque page, sa haine du commun (c'est-à-dire du vivant) éclate. Ce qu'il en a contre nous et nos valeurs ! Contre Dieu, contre l'Etat, contre la Loi, contre tout ce que nous chérissons et qui nous fait vivre... Comme il doit être malheureux au fond ! regardez-le, tout rachitique, tout laid, tout faible qu'il est ! Sans femme ni rien. Normal qu'il s'en prenne à la société - l'heureuse société qui n'a cure de la "philosophie" et des "philosophes", et qui préfère de loin ses juges, ses flics et ses bourreaux qui sont les véritables serviteurs de l'existence.
Ah Frédéric ! N'as-tu jamais remarqué que les gens étaient heureux de vivre avec leurs lois et leurs jugements ? Et qu'ils se foutent bien de l'art dont tu fais si grand cas. Toi qui as osé dire un jour que "sans la musique, la vie serait une erreur", mais c'est toi le gars du ressentiment et de l'instinct de vengeance ! C'est toi qui a besoin de quelque chose d'autre que la vie pure ! Car pour un vivant vrai de vrai, c'est la musique qui est une erreur ! Et c'est la vie qui se suffit à elle-même, sans échappatoire, sans palliatif, sans art, sans philosophie ni religion - mais non sans église. Bach, Michel-Ange, Baudelaire - des drogués qui sont devenus les dealers de l'âme humaine. Tu dis qu'il faut penser cruellement et contre soi, parfait ! mais pourquoi ne t'appliques-tu pas à toi-même cette dure pensée ? Car ta soit-disant cruauté va vers les illusions vitales, la mascarade de l'éternel retour, le foutage de gueule du surhomme. Tu sais, plus je vais, plus je pense que Marx a raison contre toi. Il faut se désillusionner à mort. Il faut se désindividualiser à vie. Or, toi, Nietzsche, tu es la dernière des belles illusions - la plus aboutie aussi, la plus séduisante, et qui agit sur l'individu comme une pilule d'extasy. Celui-ci se sent libre et fort après t'avoir gobé, pour sûr ! il n'est plus esclave. Mais n'être plus esclave, socialement, ça veut dire en avoir. Ca veut dire vouloir être surhumain au prix de l'humanité des autres. Au fond, tu es plus froussard que Kant ou Platon qui, eux, au moins, savaient que la raison et la loi sont les preuves les plus tangibles de l'humanité. Tu entends, mon pauvre Frédoche, ton "grand style" suranné ne vaut rien par rapport à l'instinct grégaire. C'est dans l'éthique et non dans l'esthétique que se situe la "vérité". Au diable ton devenir foutraque anti-social, fasciste forcément - oui bien sûr, Hitler t'a mal lu, mais le problème, vois-tu, est qu'on ne peut que te mal lire. C'est toi qui cultives les équivoques. Tu appeles les hommes supérieurs, et ce sont les nazis qui arrivent. Normal ! c'est ce qui se passe toujours dans une démocratie. Une démocratie n'est pas un système pour un mais un système pour tous, où tout ce qui se dit est dit pour tout le monde. Attention donc à ne pas provoquer ce monde ! Si tes livres sont pour (une) personne, alors ne les écris pas. Ce que tu nous a fait rire, quand même, avec ta Naissance de la tragédie ! comme si le monde devait se penser selon des catégories esthétiques ! Entre nous soit dit, on reconnaît l'immaturité d'une pensée à ce qu'elle préfère le beau au juste, l'idéal au social, et à ce qu'elle tienne l'individu comme plus important que l'espèce. Exactement ton cas, ducon ! C'est toi le "cas", c'est pas Wagner. D'ailleurs, tu as beau dire, tu l'adores, Wagner. Tu peux toujours l'accuser d'avoir rendu la musique malade et ruiné les nerfs, tu ne peux t'en passer toi-même. Tu as beau hurler que le fonds de la vie se trouve dans le cri final de Don José, "je l'ai assassinée, ma Carmen adorée !", tout ton corps hurle ta ferveur pour ton "Parsifal adoré".
Et c'est pour cela que tu n'es pas crédible. Si au moins tu croyais à ce que tu dis. Mais regarde tous les efforts qu'il te faut faire pour affirmer ta philosophie. Spinoza, lui au moins, avait un ton spinoziste. La joie et la sérénité, on la sent dans ses textes. Il avance calmement et sans lutte intérieure, réellement satisfait de ce qu'il pense. Alors que toi, tu le te fais bouffer toi-même ton nietzschéisme ! Regarde-toi, tu sues, tu n'en peux plus, tu vas avoir une embolie et deux crises cardiaques ! Toi l'ennemi de la pitié, tu fais plus pitié que n'importe qui ! Tu peux toujours jouer à l'Antéchrist, tu n'aurais pas tenu un seul coup de fouet. Même le film de Mel Gibson, tu t'évanouirais devant ! Normal pour quelqu'un qui supporte pas le sexe... Mais si, le sexe, il est là ton principal problème, comme dirait Deleuze, plus nietzschéen que toi. On le trouve partout ton dégoût du sexe, tiens, dans cette préface à un livre qui n'a jamais été écrit et qui s'appelle "l'état chez les Grecs" (édité en complément à La philosophie à l'époque tragique des Grecs, Folio), tu dis que "le Grec [qui crée] éprouve les mêmes sentiments qu'un père qui admire la beauté et les dons de son enfant mais pense à l'acte qui l'a engendré avec quelque pudique répugnance." Te voilà dans ta piteuse vérité, tu ne trouves pas ? Tu me la copieras ta "pudique répugnance", même une pucelle victorienne n'aurait pas osé ! Non, question sexe, t'es vraiment lamentable. D'ailleurs, la seule photo qu'on ait de toi dans ce genre, c'est quand tu es attaché avec Paul Rée à un chariot sur lequel est assise Lou Salomé qui vous fouette !!!! Complètement dingue ! le gars qui a écrit que "si tu vas chez les femmes, n'oublie pas la cravache !" se fait photographier avec une femme au fouet qui le menace ! On la pige maintenant le sens de cette phrase apparemment si misogyne : la cravache qu'il n'oublie pas d'emporter chez les femmes, elle est pour lui ! Tu vas nous faire crever de rire, écoute ! Toi le soit-disant pourfendeur de Jean-Jacques Rousseau, voilà que tu partages les même fantasmes que lui ! Mais ça va très très très mal, mon pauvre vieux... T'as abandonné des enfants toi aussi ? Non, je suis bête, t'en as pas. Autre aveu de ta haine ontologique. A quoi reconnaît-on quelqu'un qui n'aime pas la vie ? A ce qu'il n'a pas d'enfants, pardi ! Normal, t'aimes pas le sexe, t'aimes donc pas non plus les conséquences du sexe... A part Wagner et te faire traiter en âne bâté, t'aimes rien finalement. Enfin, tout ça prouve que t'es bien humain, attachant, aimable dans ce que tu veux cacher mais ridicule, arrogant et imbécile dans ce que tu veux montrer de toi. Chesterton, le seul auteur qui ait su te remettre à ta place, avait même dit à ton endroit que "si Nietzsche n'avait pas sombré dans l'imbécillité, c'est le nietzschéisme qui y eût sombré lui-même." Admets-le. Ta folie a sauvé ta philosophie. Car t'es le contraire absolu de ce que tu prônes. T'es le soushomme, l'involontaire impuissant, l'éternelle rature.
Chez les nietzschéens, et surtout chez les nietzschéennes, ça va barder. On me rétorquera que je n'ai rien compris à l'auteur du Zarathoustra, ou que je l'ai mal lu. "Allons Porcmary, quand Nietzche fait l'apologie de la "belle brute blonde", c'est tout simplement pour effrayer le petit bourgeois, c'est pour faire peur au philistin, c'est pour foutre les choquottes à un type comme vous justement, qui fait sur lui tellement il tremble !" Non mes amis, c'est tout le contraire. Tendez l'oreille que je vous dise la vérité vraie : la belle brute blonde, c'est le petit-bourgeois. Le barbare, c'est le philistin. Ils pensent pareils, ils font pareils - certes le première brutalement, et le second sournoisement, mais chez l'un comme chez l'autre, l'instinct de domination est le même. Ce qu'ils visent, c'est la réussite sociale, rien de plus. Pauvre Nietzsche qui ne s'est jamais rendu compte que ce qu'il détestait le plus ressemblait le plus à ce qu'il adorait. L'histoire l'a confirmé : les nazis étaient d'abord une bande de beaufs - de beaufs qui se prennent pour des intellos, des intellos qui croient intelligents de réhabiliter le barbare. Après le bon sauvage, le bon barbare. Quelle pitié de voir nos contemporains, la plupart du temps des femmes, être attirés par le barbare, le voyou, le hors la loi, "le beau gosse rebelle qui vit selon ses propres lois" - avant de se soumettre, bien entendu, à celles du Coran. Il n'y a que les rebelles et les beaux gosses que l'on peut fascislamiser à gogo. L'islamiste - le voilà, le beauf-barbare de notre temps. Aucune femme n'y resistera longtemps. Vous verrez qu'elles adoreront se faire talibaniser nos Occidentales ! C'est le côté maso de la femme, maso sentimentale et non maso cérébral hélas, qui adore que son mec lui foute des branlées, mais des branlées qui n'ont rien à voir avec un code SM, non, les femmes détestent les codes, des branlées qui ont tout à voir avec l'ordre naturel. Le mâle qui domine, donc protège, la femelle. Il faut les comprendre car ce n'est pas nous, les zozommes honteux et névrosés qui pourront s'occuper de nos soeurs. Avec nos gueules de chien battu à la Matthieu Amalric, nous n'allons pas très loin. Trop doux, trop féminins, dégoulinant de sensiblerie, qu'est-ce que de vraies femmes pourraient bien faire avec nous à part nous langer et nous faire faire nos rôts ? Non, les Fils d'Allah qui s'y connaissent en social et en sexuel sauront très bien y faire avec nos femmes. Nous les sous-hommes, les piteux, les névrotiques, nous les nietzscheux, nous avons déclaré forfaits.
Au bout du compte, c'est du mouvement gay que viendra la résistance. Il n'y a plus que chez les homos qu'on trouve des hommes de l'ancien temps : protecteurs (et amoureux) des femmes, gardiens de la République, garants de la liberté de moeurs, libéraux et consommateurs, ultra sécuritaires concernant leur choix de vie, ultra-virils aussi et cultivant pour certains d'entre eux un look de skin head, ils ont tout pour combattre les Dupont-Lajoie du Croissant. D'ailleurs, ils commencent à s'en rendre compte que le danger ne vient plus du gros plouc de chez nous mais du beur islamisé des cités. Surtout, on ne trouve nul masochisme existentiel ou social chez eux. Ils adorent la vie les homos ! Sans rire, je compte beaucoup sur Act up. Il suffirait qu'ils virent leur présidente actuelle, inutilement proto-gauchiste, et qu'ils se droitisent un peu - c'est quand une minorité commence à voter à droite qu'elle prouve qu'elle intégrée au système - pour devenir le vrai bastion de l'Occident. Ils ont déjà leur martyr avec Pim Fortuyn, leur cinéaste avec Théo Van Gogh et même leur littérature pour enfants avec "Signes de pistes" qu'il faudrait absolument republier. Ne leur reste plus qu'à réorganiser leurs commandos coups de poings, Alain Soral pourrait s'en charger. Après avoir mis un préservatif géant sur l'obélisque de la place Vendome, ils pourraient en mettre un sur le minaret d'une Mosquée ou mimer l'histoire de Mahomet sur un char de la prochaine gay pride. Innocents, forts, esthètes, gais, les voilà les nouveaux nietzschéens. Hardi les gars !