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gauche - Page 8

  • Pour Sarkozy, avec ferveur III - Peut-on éviter le syndrome du comte de Chambord ?

    (Cet article a été publié Surlering le lendemain du premier tour des Présidentielles 2012, le lundi 23 avril 2012 dans l'après-midi.)


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    Aux "déçus" du sarkozysme.

    En France, nous avons toujours eu la gauche la plus nulle et la plus fourbe du monde (et c’est pourquoi Mélenchon est grand) et la droite la plus imbécile et peut-être la moins à droite du monde - et c’est pourquoi il faut de nouveau, et avec ferveur, voter Sarkozy au second tour comme au premier, car un homme de droite de cette trempe, courageux, subversif, et que pour ma part j’ai toujours trouvé extraordinairement sympathique (l’anti Chirac en somme), nous n’en aurons plus ensuite pendant vingt ans. Il faut donc en profiter une dernière fois et mettre en place ce qui pourrait être le décennat fondateur et ô combien nécessaire de la France du XXI ème siècle. Hélas ! Les Français ont toujours été des veaux, particulièrement les Français de droite et d’extrême droite, passant d’un grief à l’autre, brûlant ce qu’ils avaient adulé, oubliant cent biens pour un mal, et surtout obnubilés par leur capacité à « ne pas se laisser faire » tout en tombant systématiquement dans les pièges tendus par la gauche. Sans le Français de droite dure, le Français de gauche n’aurait jamais eu pignon sur rue. Ca s’était déjà passé comme ça en 1873 lorsque le comte de Chambord qui incarnait la dernière chance de restauration de la monarchie en France échoua lamentablement parce que, crétin intransigeant, il ne put se résoudre à accepter le drapeau tricolore que lui réclamait tout le monde, préférant renoncer au pouvoir au nom de sa satanée fleur de lys – et cela malgré l’Assemblée Nationale qui lui était favorable. A part la dissolution de cette même Assemblée Nationale par Chirac en 1997, je ne vois pas d’autre plus grande imbécillité dans l’histoire de la droite française qui en comporte pourtant des dizaines. Mais c’est ainsi que l’on a toujours fonctionné chez les bleus blancs. Pour la droite « pure et dure », plutôt « la Gueuse » que le lys blanc encadré de bleu et de rouge ! Plutôt l’adversaire radical que le partenaire pragmatique ! Plutôt  Flamby que le client honni du Fouquet’s ! Plutôt l’anti-riche que le nouveau riche ! Plutôt le corrézien-comme-Jacquot que Sarko le métèque ! « La droite déteste qu’on la trahisse et je suis un traitre pour eux », expliquait le personnage de François Mitterrand dans Le promeneur du champ de mars, le seul film potable de Robert Guédiguian (2005). Traitre, Sarkozy ? Evidemment. Au sens où il a trahi l’hypocrisie des Français, révélé leur mauvais rapport avec l’argent, dévoilé ce qu’il faut bien appeler une sorte d’antisémitisme social - et cela, les Français risquent de ne pas le lui pardonner. On ne démasque pas impunément les vices d’un pays sans que ce pays ne vous rende la monnaie de votre pièce. Au risque de sombrer dans une schizophrénie politique comme cela pourra arriver le six mai si François Hollande est élu. La France sera, une fois de plus, le seul pays de droite et d’extrême droite à mettre en place et par dépit un président de gauche. Vive l’Afrance !

    Au fond, le grand tort de Sarkozy aura été d’avoir voulu jouer franc jeu avec les Français. De s’être mis à leur niveau. De ne pas avoir été assez royal, altier, hautain, sphinx (une erreur psychosociale majeure pour celui qui avouait que Mitterrand était, avec De Gaulle et Jean-Paul II, son modèle politique). De ne pas avoir compris que le corps du monarque devait transcender le corps du peuple – et de fait ne pas se rendre à Disneyland comme tout un chacun, le président n’étant pas en France « tout un chacun ». D’avoir été, au bout du compte, démocrate par excès. Sarkozy - le seul vrai démocrate de la cinquième république et pour cette raison peut-être chassé dans quatorze jours comme un malpropre par les bouseux qui ne veulent pas d’un des leurs au pouvoir. Sarkozy – le président dont on a le plus dénoncé l’autoritarisme quasi dictatorial alors qu’il n’a cessé de prendre pendant son quinquennat toute une série de mesures constitutionnelles destinées à réduire les pouvoirs du président au profit du Parlement et des citoyens (ce qui d’ailleurs était discutable – pourquoi prendre le risque de rendre la France encore plus ingouvernable qu’elle n’est déjà ?), sans compter ce nouveau droit donné aux députés de fixer un tiers de l’ordre du jour de l’Assemblée, leur permettant ainsi de mieux contrôler le gouvernement (décidément, c’est une manie de vouloir virer quatrième République bis ?), en attendant la promesse calamiteuse de remettre un peu de proportionnel dans les élections afin que tout le monde soit représenté (mais Président, voyons, tout le monde à l’Assemblée, c’est la fin des haricots !), ou encore cette possibilité de recours individuel devant le conseil constitutionnel (la fameuse « QPC » - « question prioritaire de constitutionnalité ») qui donne le droit au justiciable emmerdeur de demander si telle loi qui le contrarie est bien conforme à la Constitution  – bref, toutes choses avec lesquelles on peut être en désaccord mais qui vont indéniablement dans le sens d’une démocratisation plus grande de la cité. Sarkozy – le mec de droite qui aura le plus fait constitutionnellement pour les gens. Et c’est lui dont Jean-Marie Le Pen vient de dire la semaine dernière, tel un lecteur moyen de Télérama ou des Inrocks, que ses initiales étaient les mêmes que « National socialiste » et que son meeting à la Concorde de dimanche dernier était comparable aux rassemblements de nazis à Nuremberg !!! Faut-il que le vieux soit sénile pour se retrouver aux côtés de l’ultragauche la plus fruste -  mais sans doute fachos et gauchos peuvent-ils s’entendre contre ce cosaque qui leur a damé le pion à tous les deux. Tous les procès d’intentions, les basses attaques, l’hystérie malveillante que celui-ci a dû souffrir cinq ans durant comme nul autre - une malveillance allant parfois jusqu’au désir de mort comme chez ce curé lillois déclarant sans complexe en août 2010, à l’époque de l’affaire des Roms, qu’il priait pour que Sarkozy ait une crise cardiaque. Et pourquoi pas, mon père indigne, grâce à l’aide de cette poupée vaudou autorisée à la vente et qui permet au psychopathe antisarkozyste de percer les yeux, le cœur ou les couilles du président honni ? Cette violence symbolique insensée que personne ne semble avoir noté. Cette volonté meurtrière de sacrifier le monarque qui a osé se désacraliser. Sarkozy - premier président bouc émissaire de la cinquième République jetée à la vindicte publique, celle-ci d’autant plus sauvage qu’elle se croit autorisée, légitimée, moralisée - la « bonne » haine contre le riche, le « bon » désir de vengeance contre le puissant aux origines pas si gauloises que ça, le « bon » racisme contre le métèque trop heureux . Qu’est-ce que c’est que ce hongrois juif qui épouse une italienne et qui prénomme sa fille Gulia, d’abord ?  Qu’est-ce que c’est que ces bonnes femmes arabes et noires qu’il fait rentrer au gouvernement et qui osent jouer les princesses - une surtout, la mouquère Dior ? Un immigré, ça doit sortir de Trappes, devenir comique sympa, apparaître comme le super pote qu’on voudrait avoir (ou pas), mais surtout ne jamais oublier qu’il a été victime du racisme, le rappeler partout où il va, et bien sûr voter à gauche même s’il est milliardaire. Mais une beurette qui ne fait pas de l’antiracisme son cheval de bataille et choisit le camp, pas si puissant, de l’empire plutôt que celui, ultra influent, des minorités, choque autant les racistes que les antiracistes. Une beurette qui s’embourgeoise est beaucoup moins acceptable qu’un beur qui revendique. Une beurette qui aime les diamants et les parfums excède le racisme social (pour ne pas dire le racisme tout court) de nos cons citoyens. Mais les Français sont ainsi : ils n’aiment pas la réussite sociale. Ils détestent plus que tout qu’on la montre. Vivons heureux, vivons cachés. Tartuffes. Goys.

    On a été profondément « choqué », paraît-il, que le président augmente son salaire – alors qu’il n’a fait que se mettre au niveau de ses prédécesseurs qui eux n’en parlaient jamais, en profitaient autant, faisaient passer leurs avantages en cachette, vivaient leur bling bling en sourdine, avaient leurs entrées au Grand Véfour,  bouffaient contre toutes les lois de France des ortolans le dimanche midi ou carburaient au Dom Pérignon tous les jours à la mairie de Paris. Mais bon, on ne le voyait pas, donc ça n’existait pas. Avec Sarkozy, les Français ont fait mine de s’apercevoir que les monarques menaient grand train - grande nouvelle bouleversifiante, ultra obscène, guillotinable ! - et qu’ils allaient moins au Quick qu’ à ce Quick de moyens riches qui s’appelle le Fouquet’s et où, soit dit en passant, tout le monde est allé au moins une fois dans sa vie à moins de l’avoir raté comme disait l’autre. Qu’importe dès lors qu’il soit le premier président à avoir permis que la Cour des Comptes contrôle le budget de l’Elysée (« une première depuis Louis XIV », expliquait L’Express du 25 janvier 2012), ou qu’il ait réussi sa très gauchiste réforme de représentativité syndicale par laquelle les syndicats seront électoralement renforcés, le dialogue social avec, non, ce que l’on retiendra, c’est ce repas improbable dans cet établissement pas si classieux que ça pour un président de la république, en plus de ses Raibannes et de sa Rollex. En fait, ce que l’on reproche ontologiquement à Sarkozy, c’est d’avoir osé afficher ses goûts et son bonheur, ce qui en France est pire que de traîner mille casseroles. C’est que le bonheur, c’est vulgaire, ma bonne dame. Et les Français, ces cathos laïcards coincés du cul, ont la haine du bonheur. Pas étonnant que toute notre littérature déborde de pères indignes, de mères avares, d’enfants ingrats, de familles en nœuds de vipères. Pour un père Leuwen qui ne gronde son Lucien de fils que parce que celui-ci ne profite pas assez des plaisirs de la vie et ne lui demande pas assez d’argent, cent pères Grandet. Pour une Sanseverina, mille Thénardier. Les Français sont ces gens qui veulent faire souffrir leurs enfants « pour leur apprendre la vie » comme ils veulent faire souffrir leur président pour qu’il apprenne à ne pas trop aimer la sienne. Carla Bruni est une insulte à la tradition des Taties Danielle et autres cousines Bette qui jusque là nous servaient de  premières dames. Et l’on sait ce que l’on fait en France aux reines qui ne sont pas françaises. Les Français, le peuple revanchard par excellence. Les Français et leur horrible passion de l’égalité. Les Français et leur dégoût de salauds devant les privilèges dont ils sont pourtant les plus grands consommateurs. Moi, ce que j’aurais aimé en Sarkozy, c’est sa façon d’avoir mis à nu les Français. D’avoir dévoilé leurs réflexes de petits bourgeois en manque – et qui ne se rendent pas compte qu’ils ont été protégés cinq ans et qu’ils risquent d’être en manque comme ils ne l’auraient jamais imaginé quand Hollande sera passé et que Marine sera seconde. Cassez-vous, pauvres cons.

    Bref, si le six mai prochain, l’on retourne à la France du XX ème siècle, c’est-à-dire à la parole surveillée, au terrorisme Bisounours et à la réaction lepéniste qui ne manquera pas de suivre (le FN jouant consciemment et comme d’habitude la carte du pire et pour cela comptant sur la victoire d’Hollande autant que les socialistes), ce qui dans le contexte de la crise actuelle, celle que précisément le président sortant nous a pour l’instant évitée, pourra donner lieu à quelques faillites sociales intéressantes, voire à une discordance civile majeure comme cela ne serait pas arrivé depuis le XIX ème siècle, l’on saura d’où vient la cause. Des fameux « déçus du sarkozysme ». Mais qu’est-ce qu’ils croyaient les mecs ? Que l’on pouvait réformer de fond en comble un pays en deux coups de cuillère à pot ? Que tout allait se faire parce qu’on l’avait dit ? Que le pouvoir culturel, le plus féroce d’entre tous, allait dire amen au pouvoir politique ? Et que surtout il n’y aurait pas cette crise internationale qui nous obligerait à travailler plus pour gagner moins ? Car il ne faut pas se leurrer. Dans tous les cas, et vu comment le réel se durcit un peu plus chaque jour, seule une politique de rigueur sera de rigueur dans les mois et les années qui viennent. Et seul le Magyar semble être en mesure de la mener. D’abord parce qu’il est indéniablement le plus avisé et le plus malin, suprêmement pragmatique (et non suprêmement idéologique comme le disent ces adversaires qui parce qu’ils sont idéologisés jusqu’à l’os voient de l’idéologie partout), et ensuite parce qu’il est de droite. Or, une rigueur de droite passe toujours mieux qu’une rigueur de gauche. Ce n’est pas le moindre mérite du président actuel que d’avoir maté la rue et refroidi l’ardeur manifestiste et grévienne de nos concitoyens - c’est-à-dire d’avoir réussi à gouverner un peu la France sans être bloqué au moindre soupçon d’esquisse de velléité de décision (quel dommage qu’il n’en ait pas fait autant avec les quartiers et que le karcher soit resté à l’état de velléité – pour le coup, le voilà le véritable échec du quinquennat.) Et c’est pourquoi si Hollande passe, la tentation sera grande pour le peuple de gauche de recoloniser illico la rue et de faire tout pour que la France redevienne ingouvernable – et cela au grand dam du nouvel élu qui sera pris le cul entre deux chaises, la chaise de la nécessité rigoriste et la chaise percée du Grand Soir. Surtout qu’ils doivent être à bloc, les mecs, boostés qui plus est par Mélenchon, Poutou et Arthaud (car dans notre beau pays, il y a quand même trois prétendants d’extrême gauche à la présidence, trois prétendants qui se réfèrent à l’idéologie et au Parti des cent millions de morts, excusez ce détail). Pensez ! Cinq ans de disette syndicale, cinq ans sans manifs ou presque, cinq ans sans qu’une fois l’on cède aux grévistes, cinq ans qui ont prouvé que l’on pouvait faire quelque chose de la France à condition de tenir bon contre la rue, cinq ans sans pouvoir faire chier, eh bien, dès le sept mai, on va se rattraper, croyez-moi ! Nathalie Arthaud a déjà prévu une grève générale en septembre. Bienvenue en Hollande ! Bienvenue en Grèce !

    Et vous, soi-disant électeurs éructant de droite, voudriez que l’on se débarrasse de celui qui a tout fait pour que jusqu’à présent la France ne soit ni la Grèce, ni l’Espagne, ni l’Irlande, tous ces pays que la crise a scié en deux ou en quatre, ni même l’Angleterre où l’on a pris des mesures d’une austérité qu’elle ferait frémir le père Grandet et la Cousine Bette eux-mêmes ? Vous, droitistes à côté de la plaque à force d’ « intransigeance », d’ « exigence », d’ « impatience », seriez prêt à mettre à la porte ce hussard qui a réussi à faire éclater les blocages habituels et mener à bien des réformes dites impossibles, retraite, autonomie des universités (un projet souhaité depuis des lustres par Mendès-France lui-même), service garanti dans les transports terrestres (enfin !), élagage de la carte judicaire que les juges eux-mêmes attendaient depuis des décennies, qui plus est dans le contexte le plus difficile du monde et en nous préservant en outre de celui-ci ? Neuf cent trente et une réformes en cinq ans et non, vous êtes quand même « déçus », ce n’est pas assez ? Vous auriez voulu avoir les résultats tout de suite, comme ça, parce que vous le valez bien ? Pauvres pommes que vous êtes, vraiment, les gens de droite ! Pour vous, il n’a rien fait, pour les gens de gauche, il en a trop fait ! «  Et en plus, rien que pour les riches », geint-on alors à gauche (car éructer est de droite, geindre est de gauche). Pour les riches, vraiment ? Que les licenciements de masse aient été évités, par exemple, c’était pour les riches ? Que la classe moyenne n’ait pas coulé, c’était pour les riches ? Que les petits épargnants aient précisément été épargnés, c’était pour les riches ? Que la taxe Tobin ait enfin été mise au goût du jour, c’était pour les riches ? Que l’on ait augmenté les taxes sur le capital afin de les mettre à peu près au même niveau (34,6%) alors qu’ils étaient taxés de 10% de moins sous Lionel Jospin, c’était pour les riches ? Que l’on ait créé le RSA, c’était pour les riches ? Que l’on ait supprimé en partie la publicité sur les chaînes publiques, c’était pour les riches ? Que l’on ait augmenté de 37 % le budget de logement des Sans abri qui est passé à 1,13 milliards (et comme l’a publiquement reconnu Olivier Berthe, président des Restos du cœur et représentant du mal logement en face de lui sur Canal + le 16 mars dernier), c’était pour les riches ? Et qu’enfin le pouvoir d’achat est réellement monté de 4 % en cinq ans, ce n’était que pour les riches ? Et puis d’ailleurs, qu’est-ce que cette rage malsaine contre les riches ? « Moi, les banques, je les aurais laissées s’effondrer », me disait un collègue cégétiste et néanmoins ami du musée (oui, parce que moi, j’ai des amis d’extrême gauche…). Mais bordel, Francis, si ta banque s’effondre, tu t’effondres encore plus ! C’est facile à comprendre, ça, non, que des pauvres comme nous ont besoin de riches comme eux ? Visiblement, non. Pour les fervents du Grand Soir, si les riches maigrissent, les pauvres engraissent – alors que moi, en bon pourri de droite, je penserais plutôt que si les riches maigrissent, les pauvres crèvent (et encore plus vite si les riches sont partis).  On en a besoin des riches, c’est ça que les pauvres en esprit ne percutent pas. En vérité, Sarkozy a tellement bien géré la crise que les gens n’ont pas vu la crise, ou ont oublié qu’il y en avait une. Et aujourd’hui, ils se révoltent contre lui comme pouvaient se révolter naguère les paysans contre leur seigneur sans se rendre compte que grâce à lui ils avaient évité trois invasions et six guerres. Salauds de pauvres ! Pauvre peuple ! Ce peuple dont Pascal écrivait qu’il était « vain, quoique ses opinions soient saines, parce qu’il n’en sent pas la vérité où elle est et que, la mettant où elle n’est pas, ses opinions sont toujours très fausses et très mal saines. » Pas besoin de faire un dessin.

    Sauf qu’à un moment donné, il faut se le demander : pourquoi est-on si con à droite ? Je veux dire : pourquoi est-on si souvent comte de Chambord, si pur et dur, si antidialectique, si incapable de compromis et de débat, et, par conséquent, toujours latté par la gauche qui s’y connaît tellement mieux que nous en retournement de sens, oblitération du réel, saccage des consciences, culpabilisation obligatoire – toutes choses dont Sarkozy aura commencé à nous tirer depuis cinq ans et dans lesquelles on risque de retomber avec fracas si par malheur il était viré de l’Elysée ? Peut-être parce que la droite ne croit qu’au « réel », méprise la parole et de fait a tout faux puisque le réel dépend de la parole. La droite ne  comprend jamais que « le réel » ne suffit pas. Et la gauche en profite toujours pour tourner la droite en bourrique. Ce que j’aurais souffert à Paris, à Nice, à l’université, au boulot, au bistrot, partout en France, devant ma télé, de me voir, de nous voir, nous, les gens de droite, systématiquement ratatinés par les gens de gauche. C’est vrai qu’on est nul. On ne pige rien à l’économie, aux flux financiers, aux « infrastructures » et d’ailleurs on ne veut pas piger. Ces corps sans organes nous ennuient. Cette matrice invisible et aliénante ne fait pas partie de nos catégories mentales. Pour nous, pauvres droitistes désemparés, la sociologie, c’est de l’hébreu. Comme Thomas, on ne croit que ce qu’on voit. Et on ne voit que nos intérêts – et encore pas toujours (la preuve, ce premier tour !). Notre Weltanschauung va de Pacman à Berzerk (ou si l’on préfère de Hobbes à Nietzsche) et ça nous suffit amplement. Normal qu’on se ramasse dans le débat socio-économique. Que pouvons-nous dire quand « eux », les gauchistes avisés, nous sortent Marx, Lukacs, Gramsci, Bloch, Négri, Bourdieu, Michéa, Rancière, Badiou ? Pour un empiriste de droite, cent idéologues de gauche. Et ils s’en foutent, les idéologues, qu’on leur rappelle que de Zapatero en Espagne à Papandréou en Grèce, toutes les politiques socialistes se sont soldées ces derniers temps en Europe par la faillite que l’on sait. La gauche échoue partout où elle passe, rien n’y fait, les gauchistes tiennent toujours le haut du pavé culturel –  le comble étant que les droitistes sont prêts à leur donner le pouvoir parce qu’ils trouvent que leur candidat à eux n’est pas assez de droite. Fort de cette aberration intellectuelle (et même si « intellectuel » et « droite » sont à la limite du contresens), les intellos de gauche ont alors un boulevard ouvert pour poursuivre leur sociologie-fiction. Ce que nous appelons « le réel » relève pour eux d’une non-pensée typique, celle-ci découlant de l’ « hysteresis de l’habitus », bondieuserie bourdivine qui prétend que nous persistons à rester les mêmes et à penser les mêmes choses quelles que soient les situations, y compris celles qui nous les plus défavorables – un concept finalement beaucoup plus valable pour eux, les idéologues de gauche, que pour nous, les empiristes de droite,  mais que les premiers arrivent à nous faire bouffer quand même. « Au fond, vous ne savez pas que vous êtes aliénés ». Lorsque l’idéologue, c’est-à-dire le gauchiste, a dit ça, il a tout dit et sait d’une certaine façon qu’il l’a emporté car oser une objection contre son concept d’aliénation est pour lui une façon de s’y retrouver pieds et poings liés. Tout le monde est aliéné pour le marxiste comme tout le monde est névrosé pour le freudien, surtout ceux qui trouvent à redire de ces dogmes. Impossible dès lors de se dépatouiller de ce qui englobe nécessairement la critique et qui donne toujours raison à celui qui se place stratégiquement du côté de l’englobant ou supposé tel. Pour le gauchiste, en effet, il y a toujours quelque chose « avant » la situation alors que pour le droitiste, il n’y a que de l’ici et du maintenant. Le premier pense le phallus sans la bite, le second pense la bite sans phallus. Et en effet, qu’en avons-nous à foutre, nous, les biteux de droite, de ces phallus compliqués auxquels on n’a jamais pensé ? De ces concepts improbables de paradigme holistique ou atomistique ou interactionniste ou régulationniste qui semblent sortis d’une conversation avec monsieur Spok ? De ces informations plus ou moins chiffrées qu’on sait pas d’où elles viennent ? Et pourtant, à la fin, c’est eux, les Body Snatchers de l’Ecole de Francfort, qui l’emportent. Discuter avec un gauchiste avisé, pour le type de droite, c’est sombrer dans un autre monde, un monde totalement inconnu de lui et dont la structure lui échappe parce qu’elle lui apparaît frappée du sceau de l’irréalité la plus totale. Mais une irréalité si bien dialectisée qu’elle va bientôt se révéler imparable sur le plan moral et idéologique, se prenant même des airs « scientifiques » pour assurer encore plus,  et  contre laquelle notre « homme qui est un loup pour l’homme » apparaîtra comme une brebis rhétorique bien démunie et notre « tout ce qui ne me tue pas m’endurcit » une piètre et très tuante figure de style. On ne plaint pas assez les défaites épistémologiques de la droite face à la gauche. Ayez pitié de nous, o vous, gauchistes avisés !

    Et Henri Guaino vint. L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme. Après vingt ou trente ans d’incompétence rhétorique et de nullité intellectuelle, la droite comprenait qu’il fallait intégrer la gauche dans son discours, citer Jaurès autant que Barrès, se réclamer de Clémenceau comme de Jeanne d’Arc, oser parler de civilisation et de culture sans se prendre aux filets de la culpabilisation antiraciste, et ne plus se laisser intimider par ces Torquemada de bazar que sont la plupart des journalistes. Grâce à la culture et à la verve guainienne, Sarko, déjà brillant boxeur, allait faire les plus beaux discours de droite entendus depuis longtemps et ce faisant ravaler, ratatiner, ringardiser la gauche comme elle ne l’avait jamais été de son histoire – ce qui, par réaction, allait produire cette nouvelle pathologie qu’est fondamentalement l’antisarkozysme. Qu’en France, le pouvoir culturel, c’est-à-dire la gauche, perde un chouia de son influence et c’est la croisade assurée contre celui, politique ou artiste, qui en est l’auteur. Qu’est-ce que c’était en 2007 que ce type qui mettait K.O Le Pen et Ramadan en deux prises ? Qui en finissait avec le racisme et l’antiracisme ? Qu’est-ce que c’était que ce politicien de droite qui non seulement n’était plus ridicule dans les émission de divertissement bobo mais ridiculisait lui-même l’amuseur ou l’animateur qui cherchait à le faire (Karl Zéro en 2007, toute l’équipe du Grand et Petit Journal de Canal + en mars dernier) ? Ce candidat sans complexes qui osait dire à tel animateur antiraciste : « vous acceptez que les électeurs lepénistes regardent votre émission, pourquoi devrais-je refuser qu’ils votent pour moi ? » Nicolas Sarkozy, le seul homme politique de droite de sa génération (et des autres) qui sut maîtriser comme personne autant le réel que le virtuel, le social que le mondain, l’économique que le symbolique – et qui de ce point de vue nous vengea de vingt ans de terrorisme bien pensant. 2007, ce n’était pas seulement la victoire d’un brillant candidat de droite, c’était le retour de la parole de droite au centre du dispositif. Et c’est ce centre, thérapeutique allais-je dire, qu’il ne faut pas perdre et que l’on risque pourtant de perdre à cause de vous, droitistes imbéciles, lepénistes obtus ou centristes perdus, qui ne voyez même plus le bouleversement moral et médiatique que l’actuel président a provoqué  et que vous-mêmes souhaitiez pourtant de tous vos voeux. Comme le dit Jean Marichez dans une tribune qui circule sur le net depuis peu, et qui sur le plan technique est bien plus compétente que la mienne, et dont d’ailleurs je m’inspire : « il serait dommage de perdre le bénéfice du meilleur chef d’État que la France ait eu depuis longtemps ». Ouverture aux minorités visibles (ce que n’avaient fait avant lui ni Chirac ni Jospin ni Mitterrand et qui aurait dû rendre grotesque toute accusation de « racisme »), début de maîtrise, et quoi qu’en dise les excités du FN, des flux financiers et migratoires, invention de la présidence européenne que lui ont reconnu même ses ennemis (Sarkozy ayant remis la France au centre de l’Europe et l’Europe au centre du monde), succès inattendu de l’intervention en Lybie qui lui a conféré un statut de leader international, et last but not least, gestion zigzaguante, c’est-à-dire performante, de la crise – tel est le vrai bilan du métèque. Le vrai changement, ce ne fut jamais que lui, ce président anormal qui tenta de mettre la France à l’ordre du XXI ème siècle (ce qui pour un pays du XIX ème siècle était peut-être insupportable).

    Hélas ! Le courage et les bons résultats ne suffisent pas à convaincre.  L’opinion se fout des bilans. L’opinion veut la peau d’un mec. Et celle du président est à vendre. Tout le monde est contre lui et c’est pour cela qu’il faut, je crois, être avec lui. Rien que pour ce miracle d’avoir détotémisé les anciens mythes de gauche, chahuté le pouvoir des clercs et révélé la haine sordide d’Emmanuel Todd, je ne regrette pas d’avoir voté pour lui en 2007,  et c’est parce que je tiens à ce que ce miracle continue que j’ai revoté pour lui hier et que je m’apprête à le refaire dans deux semaines.  Je vote Sarkozy car je ne voudrais pas que la France se retrouve politiquement à gauche, elle qui l’est déjà culturellement bien assez. Je vote Sarkozy car il incarne le seul contre pouvoir que nous ayons en France à opposer au pouvoir culturel de la gauche. Et à ceux qui me parlent de « culture », et comment un « amoureux des lettres comme moi » peut se laisser autant aller à faire l’apologie d’un type qui s’est foutu un jour de la gueule de La Princesse de Clèves, je réponds toujours que La Princesse de Clèves, c’est pour moi, pas pour lui. Lui, il est là pour qu’on lise en paix La Princesse de Clèves. Il est là pour qu’on ne sombre pas. Il est là pour que la France existe dans le monde. Il est là, enfin, pour que les Français, ces ingrats, ne se sabordent pas comme ils savent si bien le faire. Il est là pour nous sauver de nous-mêmes et nous préserver de la crise. Il est là pour que notre mode de vie ne change pas, maintenant. Je vote Sarkozy parce que c’est le meilleur et le plus injustement haï (ce qui est presqu’un pléonasme). Je vote Sarkozy parce que depuis hier soir la surveillance de la parole par la gauche a déjà recommencé. Je vote Sarkozy parce que c’est le dernier vote punk.

    Pierre Cormary


    Mercredi 03 mai 2012, lendemain du débat Hollande / Sarkozy.

    Sur mon FB :

    Pierre Cormary ne comprend pas comment on peut dire que ce débat fut ennuyeux. Il fut au contraire passionnant, dramatique et presque toujours de bon niveau. Mais la propension des Français à prendre leurs politiques de haut, à ironiser, à prétendre, comme Homais, que "moi, si j'étais le gouvernement....", à zapper, est décidément désespérante. Aussi désespérante que cette hallucination collective qui fait dire que Hollande l'aurait emporté ou aurait "présidé le débat". Ce que j'ai vu, moi, est un candidat imperméable qui avait l'air de dire à l'autre : "tu peux t'acharner à prouver ton action, tes chiffres, à rappeler tant que tu veux la crise, les gens seront pour moi, car les gens se foutent de la crise, se foutent de ton action, de tes chiffres, et ne peuvent plus supporter ta gueule même s'ils savent que je suis en deça de toi. Mon atout est que les gens, je veux dire les Français, ne peuvent supporter quelqu'un qui n'a rien à leur offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur. Les gens veulent être rassurés, et moi je parais rassurant même si je ne sais pas du tout comment on va faire. Mais tant pis car le vrai Pétain, c'est-à-dire celui dont on croit en France qu'il va nous protéger des méchants, ce soir, et sans doute dimanche, c'est moi."
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