Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cinéma - Page 17

  • Le sommeil d'or, de Davy Chou, à l'affiche cette semaine.

    le sommeil d'or,chou davy,cinéma cambodgien,pol poth,mémoire du monde

     

    La parole au service de l'image.

    L'image comme ce qui reste quand on a tout oublié.

    "J'ai oublié le visage des gens de ma famille mais pas celui des acteurs de l'époque" - déclaration bouleversante qui ne choquera seulement que ceux qui n'ont pas été confrontés au carnage, l'un des pires de l'Histoire, et qui ne savent pas que l'instinct de survie passe aussi par le fantasme, le rêve, la star de cinéma.

    Le cinéma comme machine à rêve et machine à survivre.

    Le cinéma comme illusion vitale et volonté de résistance.

    Malheureux intellectuels, tel Stéphane Zagdanski (à vrai dire, il est le seul) qui considèrent encore que le cinéma est un art de la mort, "une mort dans l'oeil",  alors qu'au contraire il est la vie de l'oeil et l'art qui s'ancre le plus dans notre corps et la preuve que nous sommes encore pieux.

    "Nous chantions, nous chantions tout le temps", dit une autre témoin de de ces années de génocide.

    Chanter, même les chansons sirupeuses de ces films, pour se donner du courage, se sauver du désespoir, et par dessous tout pour sauvegarder l'amour et le temps - soit tout ce que précisément le communisme cambodgien a voulu éradiquer au nom d'un réel pur, un réel nouveau, égalitaire à mort, un réel sans simulacre aucun, sans rêve, sans ombre, sans caresse, sans mythe, sans star, sans glamour, sans héros fabuleux et femme sublime, un réel sans rétine ni sommeil, un réel dans lequel on ne pourrait plus que veiller et périr au moindre songe.

    Ainsi des rescapés du cinéma cambodgien racontent leurs films, miment leurs scènes cultes, reviennent sur leurs lieux de tournages, peut-être en inventent qui n'ont jamais existé (comme ce formidable cinéaste, sorte de Méliès cambodgien, apparemment toujours autosatisfait, mais au fond conteur humble de sa survie, et qui évoque les effets spéciaux qu'il fallait trouver quand on voulait démultiplier les corps dans le même plan et se trouve démultiplié lui-même par la caméra qui le filme, magnifique cadeau que le jeune cinéaste fait au vieux).

    Contrairement à ce qui se passait dans les derniers films d'horreur du genre Cloverfield, REC ou Blair Witch où les personnages périssaient et où les films survivaient sans plus personne pour les voir, ici, ce sont les films qui ont péri et les hommes qui ont survécu.

    Mais ce sont les hommes (et les femmes, à commencer par cette Dy Saveth, la plus grande star de l'époque, qui est aujourd'hui devenue professeur de danse, et dont on défie quiconque de nier qu'elle ne suscite pas, dès qu'elle apparaît sur l'écran, un regard respectueux, voire rétroactivement amoureux) qui racontent ces films, nous donnent à les voir, les invoquent comme autant de bonheurs et de communions, prouvant ainsi que le cinéma - et le cinéma populaire, naïf, bon enfant, plein d'hommes-serpents et de femmes-araignées (il est clair que l'on n'est ni dans Antonioni ni dans Bergman) -, constitue la mémoire du monde, la joie de l'humanité et un certain salut social, celui que les khmers rouges ont voulu abolir à tout prix au nom du "leur".

    Et pour nous faire désirer ce cinéma englouti, atlantide s'il en est, le cinéaste a la bonne idée de n'en montrer aucune image, créant chez le spectateur à la fois une frustration esthétique en même temps qu'une envie éthique d'en savoir plus, d'être encore plus attentif à la parole et aux larmes de ces rhapsodes de la pellicule.

    La scène culte de l'héroïne qui sort de la bouche du monstre, on la verra pourtant à la fin, entre autres extraits fantastiques, lors d'une projection improbable sur un très pink floydien mur de briques, parce que voilà, un film peut se projeter partout, parce que la mémoire est plus forte que la matière, parce qu'aucun tombeau ne résiste au rêve, c'est-à-dire à la vie.

    Ca s'appelle Le sommeil d'or, c'est un film de Chou Davy, produit par Jean-Jacky Goldberg et la maison Orignac, ça se joue au MK2 Beaubourg et à l'Espace Saint-Michel (où je l'ai vu hier dans une salle presque remplie et dans laquelle on aurait entendu une mouche voler tant tout le monde était scotché) et c'est à couper le souffle :
     

    le sommeil d'or,chou davy,cinéma cambodgien,pol poth,mémoire du monde

    (Cliquer sur l'image pour voir la bande-annonce)

     
     
     






    Lien permanent Catégories : Cinéma Pin it! Imprimer