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l'art de la consolation

  • Canin câlin

    agathe novak-lechevalier,michel houellebecq,l'art de la consolation,sérotonine,lucrèce,de rerum naturaDès son avant-propos, Agathe Novak-Lechevalier donne le ton :

    « …. S’il fallait en croire les interprétations dominantes de l’œuvre houellebecquienne, tout en elle aurait dû me froisser : littéraire, j’aurais dû être découragée par son “absence de style“ ; femme, j’aurais dû être révulsée par sa foncière “misogynie“ ; intellectuelle par profession, qui plus est orientée à gauche, j’aurais dû m’irriter de ses tendances “néo-réacs“ ; enseignante, j’aurais dû, comme Nancy Huston, réprouver ce “professeur de désespoir“ ; et s’il fallait se fier à ce qu’en dit Christine Angot, j’aurais même dû, comme être humain, m’indigner de son anti-humanisme et du mépris fondamental dans lequel, selon elle, il tiendrait son lecteur. » [1]

    Hélas pour Christine Angot ! Curieuse, ouverte,  d'une prodigieuse humanité, cette normalienne de choc,  dix-neuviémiste émérite, spécialiste de Balzac (et donc pré-houellebecquienne sans le savoir), ne s’en laissa pas compter par la doxa journalistique ni le mépris universitaire dans lequel l’auteur de Soumission était tenu, se convertit à la houellebecquie au début des années 2010 et devint bientôt sa première commentatrice française, multipliant les analyses, les introductions, les éditions (voir celle, magnifique, de La Carte et le territoire en Garnier Flammarion 2016), maîtresse d’œuvre en janvier 2017 d’un Cahier de l’Herne lui étant consacré et auquel j’eus l’honneur de participer, et qui publie aujourd’hui, enfin il y a quelques mois, cet essai qui fera date, Houellebecq, l’art de la consolation aux éditions Stock, véritable leçon de lecture amoureuse, attentive et cathartique.

    Il semblerait que cela soit par une formule d’Aurélien Bellanger, tiré de son propre essai Houellebecq, écrivain romantique (Léo Scheer 2010) qu’elle eut un flash :

    « Nous ne pouvons attendre d’un auteur désespéré qu’une seule chose : qu’il parvienne miraculeusement à désespérer de son désespoir » [2].

    Désespérer de son désespoir. Rire de sa misère. Sublimer son malheur. Et pour cela, y replonger par la littérature comme naguère par la tragédie. C’est pour cela que l’on lit des romans ou qu’on allait au théâtre. Pour se purger de soi-même, se libérer, se consoler – tout ce que ne comprend plus notre époque puritaine et revêche, analphabète à force d’être littéraliste, prohibitive à force d’être « protectrice » et pour qui les seuls lecteurs ayant droit de cité sont désormais les fameux Sensitivy readers, ces « lecteurs sensibles »  venus d’Amérique, véritables contrôleurs de sensibilités, sentinelles des mots et dont le travail anti-littéraire est de corriger, transformer, interdire  tout ce qui dans un texte n’irait pas dans le sens du respect des communautés, de la bienséance des sentiments et de l’équité des idées. Avec sa manie de soigner le mal par le mal, de faire rire de nos misères ou pleurer de nos désirs, l’antique catharsis n’a plus lieu d’être aux yeux de nos tyrans sensibles. L’important n’est plus de lire l’Iliade, Œdipe-roi ou Le Roi Lear dans leur violence archaïque mais de savoir si Homère n’est pas homophobe, Sophocle sexiste et Shakespeare ci-genre (ou de prouver à tout prix, ce qui est pire, que le premier est gayfriendly, le second néo-féministe, le troisième « non-binaire »). Pour Michel Houellebecq qui faisait dire à un de ses personnages qu’il n’était « pas plus politisé qu’une serviette de toilette » [3], c’était plutôt mal parti. Grâce à Dieu (ou plutôt au « parent 1 » comme ils disent), l’auteur des Particules élémentaires cartonne en France et dans le monde entier, faisant figure de rempart à tous les bien-pensants de la novlangue et les zélés du vivre-ensemble. Le consolateur est aussi un résistant.

    Mais reprenons.  

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