« Ici, je prie le lecteur, s’il y en a un…. »
Inoubliable interprète de la romancière roumaine dans Le Genou de Claire, Aurora Cornu, quelques millions d’année en cet an de grâce 2016 (et accessoirement anniversaire "ascensionnel" de mon blog, ouvert il y a tout juste 11 ans), Sagittaire ascendant Scorpion, ayant dans le temps trinqué avec Ulysse, donné un coup de pouce à Œdipe, consolé Antigone, fessé Achille et torché Gilgamesh, se sera reposée au XX ème siècle, ne se contentant d’œuvrer qu’une seule fois dans chaque genre : une participation, donc, au film mythique d’Eric Rohmer ; la réalisation d’un film unique et improbable, Billocation (dont j’ai pu moi-même, et à ses côtés, constaté l’étrange phénomène) ; la construction d’une église autocéphale en Roumanie employant trente-six sœurs et un pope, le monastère Cornu ; l’écriture d’un roman étonnant, Fugue roumaine vers le point C, en lequel son ami de toujours, Jean Parvulesco disait qu’il dissimulait « à chaque page, un parti pris chamanique » ; la composition d’un recueil de poésie, La nuit des abandonnés, qui lui dut d’être citée dans le volume de la Pléiade consacré aux Littératures d’Europe centrale ; et cette année, la publication de ces Dix histoires courtes (Zece scurte povestiri), écrites à la fin des années 90 en anglais et enfin traduites en français par Edith Cottrell. Dix nouvelles bizarres, déconcertantes, parfois insaisissables, quoique terriblement attachantes et qui, encore plus que son roman, rendent compte du génie singulier de cette femme-déesse moins maternante que parturiente, comme elle-même s'est toujours définie, et dont je suis peut-être le dernier accouché.
La première histoire s'intitule Un problème de tétée. Vous imaginez comment je m'y suis précipité.