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che guevara

  • Nabe 2001, année de l'espoir

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    A l'occasion de ce nouveau et très beau site consacré à Marc-Edouard Nabe, je retrouve non seulement tous les articles que j'ai consacrés à ce diable d'écrivain, ainsi que les réponses rageuses et scatologiques de celle que j'appellais à l'époque "la nabesse" (j'ai vraiment un chic pour énerver les brutes que je ne m'explique pas !), mais en plus deux "inédits" jamais publiés sur mon blog, et pour cause  - il s'agissait de deux courriers adressés à Nabe lui-même, le premier en novembre 2001 à propos de sa Lueur d'espoir, le second à la suite de la visite qu'il fit à Orsay de l'exposition Strindberg en janvier 2002 et que je surveillais ce jour-là ! - en fait, un extrait de mon propre journal intime dans lequel je racontais cette rencontre avec lui, et que je lui avais l'envoyé. Peu procédurier de nature et plutôt flatté que le webmaster de l'époque publie, même sans mon "autorisation", ces deux textes sur leur site, je laissais ceux-ci là-bas et commençais à en composer d'autres pour Le journal de la culture et pour mon blog. Mais puisqu'aujourd'hui, on rouvre un nouveau site nabien et l'on remet mes lettres en lien, je crois que c'est aussi à mon tour de le faire sur le mien. Après tout, je ne fais que reprendre ce qui m'appartient, et ce faisant, mettre à jour la passionnelle relation qui m'unit avec l'auteur de Kamikaze dont on ne dira jamais assez qu'il est sans doute, et pour reprendre cette définition de Frédéric Taddéi, le plus mauvais intellectuel de France mais son plus grand prosateur. Nabe, con épique, imbécile génial,  en tous les cas écrivain hors pair qui fut à l'origine de bien des vocations, ratées ou non, en littérature, et qui n'est rejeté le plus violemment que par les gens qui lui doivent le plus. C'est en tous ce qu'un... comment disaient-ils déjà ? Ah oui ! Ce qu'un "gros porc qui pue le bourgeois comme moi"  peut dire à son niveau d' "obèse grotesque".

     

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    "C'est mon livre le plus consensuel !", affirmait sans rire Marc-Edouard Nabe à propos de cette Lueur d'espoir, formidable brûlot anti-Bush et pro-Ben Laden, qui fait l'apologie du terrorisme et qui se rit sans vergogne des six mille écrasés :

    "Evidemment, sous le coup de l'émotion, on ne peut qu'éprouver de la compassion pour Bill Taylor et Bob Parker, John Smith et Sandy Powell... Et pour Bob Taylor et John Powell, Sandy Parker et Bill Smith... Et puis pour John Taylor et Bob Powell, et puis Sandy Smith... Sans oublier Bil! Parker (..) Chacun vit pleinement sa propre mort, mais compter les morts un à un ne. fait pas comprendre aux vivants ce qui les a tués." (page 25)

    Et juste après :

    "Les ruines de ces deux tours si moches sont magnifiques... C'est à croire qu'elles ont été conçues pour être détruites. (..)"

    Et encore plus loin : "Aussitôt né, aussitôt mort !" Sans oublier :

    "Le maire de New York propose d'offrir aux familles une urne contenant un peu du sol du lieu dévasté... Tant pis si quelques particules de terroristes se mêlent à celles des victimes... Plus fort que le syndrome de Stockholm !" (page 27)

    Enfin, la formule définitive, ce qu'il faut penser des attentats du 11 septembre quand on est un écrivain maudit qui se fait régulièrement casser la gueule et les lunettes à la fin des apéritifs littéraires :

    "Individuellement, c'est monstrueux. Globalement, c'est génial. " (page 29)

    Y a pas à chier : ça, c'est de la prospective politique, Marc-Edouard ! Le sens aigu de la cité, tu l'as dans les veines, sacré bougre ! Encore un peu et tu pourrais réécrire La République - L'arrêt pute bique, je te vois déjà venir. T'es le concurrent sans ambages de Platon et de Raymond Aron, toi, hein ? Machiavel et Hobbes à la poubelle, Montesquieu et Tocqueville pour te torcher pas vrai ?

    Alors ton pamphlet-là, pour sûr qu'il est drôle, couillu... t'en as ! t'en as toujours eu... Trois formules tonitruantes par page, des insultes comme s'il en pleuvait, de la rage, de la haine, et de la bonté aussi, complètement mal placée c'est vrai, mais de la bonté plein partout, ... car tu es bon au fond... bon petit diable... Petit Nicolas qui joue à Genghis Kahn... L'apocalypse avec le vase rose du salon....Buster Brown qui se prendrait pour Hitler... qui joue au déluge avec les bombes à eaux... et qui va encore se retrouver sur les genoux de sa maman... Le gamin de la maison, c'est pas ton fils Alexandre, c'est bien toi, Nabébé... Pauvre Hélène ! Avoir la plus belle femme de France pour soi et la faire autant chier, ça mérite onze mille coups de verges !

    Mais je m'égare... revenons à notre agneau... Le plus génial des diaristes... Le plus splendide des écrivain maudit... Je le dis comme je le pense : il est en France notre prosateur le plus scotchant... Et sa Lueur, l'une de ses plus belles enflammades.

    Intellectuellement bien sûr, c'est n'importe quoi. Le penseur ne percera jamais derrière l'artiste immense, génial, je le répète, je le redis, que tu es Marc-Edouard ! Certes, il y a dans ce livre des digressions impeccables sur Michel Houellebecq et Loana, des remarques au poil sur SOS Racisme et l'Equipe de France... Tu détestes la société française autant que tu l'as connais, et tu la connais comme si tu l'avais faite. Au jeu des intuitions vicieuses, tu ne crains personne. Tu éjacules ton hygiénique vomi dans lequel va se noyer la horde de tes ennemis.

    Donc, tu te fais l'apologue d'Oussama. Tu le trouves beau et fin, tu t'extasies sur son "sourire angélique à côté duquel celui de La Joconde semble être un rictus de haine" et sur ses "longues mains fines qui caressent une kalachnikov luisante. " Et juste en bas de cette extraordinaire page 52, tu oses même le comparer ... au Christ ! Mais tu le reconnais aussitôt avec une déontologie qui t'honore que "c'est encore un peut tôt pour prendre connaissance du corps christique de Ben Laden." !!!! T'es vraiment impayable quand même ! Et pourtant... pourtant, on pourrait se demander si pour une fois on ne t'a pas payé pour faire ce livre. Car, finalement, et tu en conviens toi-même avec ton art affiché de la rhétorique, tout le monde pense comme toi. Tout le monde, je veux dire : toute l'intelligentsia dominante, de gauche bien entendu. Le Monde. Le Monde Diplomatique, Libération, Télérama, Charlie-Hebdo, Les Inrockuptibles et Jean Noubly n'ont dit, de leurs couvertures à leurs colonnes, à peu près la même chose que tu éructes dans ta Lueur : les américains ne l'ont pas volés, leur impérialisme en prend un bon coup et c'est bien fait pour leur gueule, eux qui sont responsables et coupables de tous les maux de la planète des quatre-cents dernières années ; à force d'humilier les faibles, ceux-ci finissent par se venger et usent du terrorisme qui n'est que le moyen de défense des offensés ; Bush junior n'est qu'un butor sans cervelle qui se branle à la chaise électrique, et les Talibans étaient ses alliés tacites juste avant le 11 septembre... alors "pas d'hypocrisie !" (ah l'hypocrisie ! combien de fois lit-on par jour, entend-on par jour ce cri du coeur la condamnant ! "assez d'hypocrisie !"; "sus à l'hypocrisie !", "à bas l'hypocrisie !" Des cours de récrés aux éditos du Figaro, Nouvel Obs ou Minute, les anti-hypocrites, peut-être encore plus nombreux que les anti-racistes, nous servent leur écoeurante soupe de moralité au navet... Et toi, toi, toi Marc-Edouard Nabe, tu hurles avec eux, et oses à ton tour ton pitoyable "assez d'hypocrisie" ! page 44)

    Bien entendu, tu t'exprimes d'un ton légèrement différent que celui des journaleux gauchos auxquels, dans ton livre comme dans les précédents, tu fais le sort habituel, et sans doute eux-mêmes refuseraient avec véhémence de se retrouver à tes côtés dans cette affaire. II n'empêche que pour le (les) coup(s), vous voilà, et c'est un "vous" pluriel, sur le même banc et derrière le même drapeau. Votre anti-américanisme débile, votre prétention lévy-straussienne à la relativité des moeurs (les Talibans valent les yankees et l'Islam vaut la démocratie libérale), votre haine suicidaire de l'Occident (Houellebecq avait raison et d'ailleurs c'est naturel : Schopenhauer dont il se réclame à toujours eu plus raison que Nietzsche dont toi tu réclames) votre confusion à distinguer sinon le bien du mal, le mal du pire, vous met tous à la même enseigne : Arlette Laguillier-Les Guignols de l'Info-Marc Edouard Nabe, même combat ! Marc-Edouard putain, ça ne te fait pas mal de penser comme Bruno Gaccio ?

    Il y a cependant dans ton attitude quelque chose qui mérite réflexion et qui me fait reconsidérer ton livre. Et si finalement tu ne l'avais écrit que pour gêner tes soi-disant nouveaux amis ? Et si la force subversive d' Une lueur d'espoir résidait non pas dans le militantisme anti-américain et l'appel à la révolution mais au contraire dans la dénonciation extrêmement perverse de ceux-ci ? Perverse car faisant mine de se confondre avec eux.

    C'est Nietzsche qui disait que pour démolir vraiment une cause, il fallait feindre de la défendre en utilisant les pires arguments. N'est-ce pas ce que tu as fait ? Ta Lueur d'espoir plein d'excès et de viols du bon sens radicalise et ce faisant ridiculise les positions par trop confortables des humanistes à la noix, qu'ils soient gémisseurs à Télérama ou ricaneurs sur Canal Plus. Alors oui, ton livre est bien "consensuel", et c'est bien ça qui va inquiéter le consensus. Ton alliance est pour ceux à qui tu t'allies un véritable enculage, et ça, c'est grandiose !

    Tu fais de la symphonie bien pensante une cacophonie mal pensante. Tu obliges les anti-mondialistes et les révolutionnaires à reconnaître ce qu'ils sont : des vermines terroristes. Tu forces les idéalistes et les utopistes à se signer criminels. Il fallait te voir à Campus oser comparer Che Guevara à Ben Laden. J'ai adoré cette superbe provocation. Ca c'était du grand Nabe ! Moi qui ne suis pas révolutionnaire pour un sou et qui vois dans la révolution la pire négation de l'humanité (qu'elle se passe en 1789 ou en 1917), je jubilais à tes comparaisons si justes : oui, Che et Ben sont deux belles ordures prêtes à tout pour assouvir leur passion de la pureté. Oui, là où il y a de l'utopie, il y a du sang d'enfant éventré. Oui, là où l'on veut à tout prix instaurer la justice absolue et l'égalité sublime entre les hommes, il y a des montagnes de cadavres. Le Goulag ou Le Contrat Social réalisé. Auschwitz : la Révolution Finale...

    Et c'est à toi, Nabe. cavalier de l'apocalypse, qu'il revient de faire exploser cette vérité ! A l'instar de Don Quichotte, ton héros, tu te trompes de cause, mais c'est en te trompant de cause que tu la révèles telle qu'elle est : une saloperie. Exactement comme les pamphlets antisémites de Céline ont pu à l'époque déstabilisé l'antisémitisme "officiel", "polit", "scientifique" des Brasilliach. Maurras et autres, tu lèves le masque de tous les espoirs indigents et dangereux des purs et des rêveurs. Ta Lueur d'espoir est au bout du compte une lueur de désespoir. Et cela, les fous d'espoir risquent de ne pas te le pardonner.

    C'est drôle, Marc-Edouard... J'ai toujours pensé que le vrai salaud était quelqu'un qui se prenait profondément pour un saint (Ben Laden en est l'exemple type), et bien toi, tu es un saint qui se prend pour un salaud.

    Au revoir ?


    *Montalte, à l'école des vermines (28 novembre 2001)

    (Texte envoyé donc à Nabe puis publié la première fois non sur un "ancien blog à moi" comme ils le disent sur le site de Nabe mais, me semble-t-il, sur Péplum, avant de l'être sur le sien.)

     

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