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Pierre Cormary

  • L'île aux enfants (à propos de Sa Majesté des mouches, de William Golding)

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    Roman anti-rousseauiste total : c'est la nature qui rend barbare, qui détruit l'innocence, qui dénie la civilisation. 

    C'est naturellement que les hommes prennent peur et même s'inventent des peurs (le monstre dans la forêt), dès lors perdent en raison et se réfugient dans la force. 

    Le besoin de chef est le premier de l'âme. Pas de société (bonne ou mauvaise) sans chef. Ralph est désigné parce qu'il est celui qui, le premier, a appelé les autres. Le pouvoir est un appel aux autres, une offre que les autres acceptent.  

    Le pouvoir commence par le symbole, ici, la conque qui permet d'appeler « le peuple ». 

    Le droit a besoin de la force – sauf que la force peut renverser le droit et c'est tout le problème social. 

    On a besoin de Jack, du chasseur, du couteau – sauf que très vite, c'est lui qui s'impose contre Ralph, le chef désigné, humaniste, rationnel mais qui fait ennuie avec ses lois. 

    A la démocratie ordonnée et légaliste de Ralph s'oppose la dictature festive, « dionysiaque », sacrificielle, immolatrice de Jack. 

    A la société « pécheresse » qui tente d'être responsable s'oppose la société « innocente » et sanglante du bouc-émissaire. 

    Paganisme – le mal est en dehors de nous et incarné, contenu, par un individu ou un groupe qu'il s'agit de liquider (Simon puis Porcinet) pour retrouver la paix sociale. 

    Christianisme – le mal est en nous et il faut le savoir, ce à quoi sert le péché originel. Dès qu'on abandonne le péché originel, on est tenté par le sacrifice d'autrui. « J'ai peur de nous », dit Ralph à un moment donné.

     Porcinet et lui n'en rejoignent pas moins la bande de Jack non seulement pour survivre mais aussi pour ne pas se désocialiser  – et participent de fait au meurtre de Simon. Mieux vaut faire la fête avec les barbares et sacrifier l'un des leurs plutôt qu'être seul et dépérir. 

    C'est la grande peur de Ralph : que son intelligence et son talent de communication s'amoindrissent, que « son volet » moral, sinon mental, se ferme. « Il craignait surtout ce volet qui obturait son cerveau et pouvait lui masquer le danger en le réduisant à la stupidité ». La peur de devenir stupide. Comme s'il pressentait que le langage pouvait disparaître, que la conscience vire au trou noir. « Écoute, Ralph. Ne cherche plus la logique. Ça n'existe plus... », lui dira Erik un des jumeaux. 

    La dernière phrase du roman, quand les officiers anglais arrivent sur l'île, sauvant les enfants d'eux-mêmes, apparemment salvatrice – mais lourde de menace. « Il se détourna pour donner aux enfants le temps de se ressaisir et attendit, le regard fixé sur le cuirassé aux lignes sobres, immobile au loin. » 

    Guerre des gosses, guerre des adultes.

     

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    Lien permanent Catégories : Dasein 2025, Notre jeunesse Pin it! Imprimer